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Analyste:
Isabelle Ragnard Les polyphonies médiévales anglaises ne sont plus réservées aux experts d’Albion. Après d’autres groupes français (De Caelis et Diabolus in Musica), Céladon, connu jusqu’à présent dans des oeuvres de la Renaissance et de l’époque baroque, apporte son savoir-faire à un bouquet divers (XIIe, XIVe et XVe siècles) tressé la plupart du temps à trois voix aiguës, mais quelquefois relevé par des touches de percussions et de vièle. Le répertoire insulaire se distingue à cette époque par son sens de la belle cantilène et son goût pour les sonorités suaves. En témoignent ici un motet bilingue sur une teneur profane répétée en ostinato (Sancta mater / Do way Robin), des conduits dévotionnels en latin et quelques carols, compositions mi-populaires mi-savantes. Tout en ménageant quelques découvertes inédites au disque — telles que la chanson Pray for us célébrant la virginité de saint Jean ( !) ou encore l’explicit d’un copiste musicien, Cormacus scripsit, aux harmonies étrangement modernes —, la sélection donne le plaisir de retrouver des pièces bien connues : The Agincourt Carol, There is no rose, Lullay, Lullow et le très fameux canon printanier, Sumer is icumen in (interprété ici avec le texte latin de son arrangement moralisateur Perspice Christicola). Le mélomane se laisse surprendre par l’inventivité d’une interprétation fondée sur la douceur et la subtilité. Ces qualités se manifestent dans la délicatesse du rythme, tantôt fluide tantôt mesuré, ou dans la précision de la diction associée à une conduite souple, mais sure, des lignes mélodiques. Le contre-ténor Paulin Bündgen leur apporte une émission aussi précise et naturelle que celle des deux sopranos (Anne Delafosse et Clara Coutouly), et veille avec elles à ne jamais laisser le superius prendre le dessus ; subtil et allégé, il sonne plutôt comme un ornement des deux voix inférieures. L’effet est particulièrement soigné dans l’écriture polymélodique du conduit Virgo pudicicie : au gré des répétitions, chacune des trois mélodies, discrètement soutenue par les autres voix, s’apprécie tour à tour pour elle-même. Au final, l’auditeur est invité à un voyage raffiné dans la polyphonie des voix et, croyant presque assister à sa création même, goûte chaque nouvel énoncé de la même composition avec délectation. |
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