Classique News (07/2009)
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Alia Vox AVSA 9865
Code-barres/Barcode: 7619986398655

 

 

Critique: Benjamin Ballifh
 

 

Retour ici au rythme, à la pulsion, de la danse (électricité des jigs) qui se fait transe et mystique. Entre le geste libéré et la méditation, le chant de Jordi Savall approche ce qui lui tient à coeur: la vérité humaine, celle liée à la transmission qui dans l'oralité a permis que soit préservé un jeu ancestral de très ancienne mémoire. Récital solo époustouflant, essentiel, d'une épure incandescente, Maître Savall réenchante les mélodies celtiques sur 3 dessus de viole captivants

 

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La Viole celtique est pour Jordi Savall le dessus de viole qui relit dans ce programme jubilatoire tubes et standards irlandais ou écossais. Hymne, défense, illustration du dessus de viole en terres celtiques. Si le violon s'est depuis imposé, les sources indiquent clairement un ensembles de tablatures de... dessus de viole, de surcroît dans le style celtique. Si, si... Jordi Savall, apôtre d'une nouvelle vision, rétablit à sa source la musique baroque celtique. Ce nouveau disque nous en apporte une brillante démonstration. Et ce, dès le début du 17è. Ainsi l'atteste le manuscrit qu'il a repéré dans la bibliothèque de Manchester (Manchester Gamba Book). Un filon semé de pépites pour un nouveau récital discographique, confondant de beauté sonore et d'accomplissement dans le geste interprétatif (tenue de l'archet en particulier).
L'interprète s'y démontre ambassadeur éloquent et fluide prêt à nous montrer la diversité des accords (jusqu'à 20 scordaturas différentes), parfois proche du luth, de la guitare, de la viole de gambe bien sûr, qui permettent, comme en étaient familiers les instrumentistes anglais baroques, une fantaisie, une liberté de ton, stimulantes.
Jordi Savall, en maître des tierces, quartes et quintes sait aussi préserver et sculpter les ressorts des bourdons.  En terme de sonorité, Jordi Savall déploie en solo le timbre si fin et délicat, cristallin et arachnéen de l'instrument de dessus. A découvert, sous l'impact fluide du geste (un coup d'archet idéal!), le son jamais étroit, sec, tendu, ni aigre, s'épanouit avec une poésie et une profondeur captivantes. Jordi Savall apporte une nuance sonore particulière et spécifique, celle du dessus de viole ordinairement "fondu" et dilué dans l'orchestre baroque: plus fin que la viole, moins puissant que la violon (ses cordes sont moins épaisses), le dessus de viole dessine ce chant lointain, à l'éloquence diffuse et comme aiguillée, cependant riche en grave (l'instrument a de 5 à 6 cordes selon les modèles). En définitive, dans cet enregistrement, Savall fait un ressource aux sources, il rétablit à la musique d'Irlande et d'Ecosse, son âme et sa profondeur baroque. Ici, dans la presque trentaine de pièces retenues, l'instrument dévoilé chante seul (12) ou dialogue (17 morceaux) avec la harpe gaélique ou le psaltérion (cloches dans Hard is my fate) de Andrew Lawrence-King qui apporte les fruits de ses improvisations respectant les pratiques de l'époque... Il s'agit de s'écarter de la tradition folklorique destinée aux pubs irlandais, pour amuser et divertir par de courtes séquences, les buveurs de bière.  Mais l'interprète sait aussi reconnaître (et s'inspirer de leur intuition géniale) de James Scott Skinner et Joe MacLean (dont il a écouté les enregistrements des années 1920).
Retour ici au rythme, à la pulsion, de la danse (électricité des jigs) qui se fait transe et mystique. Entre le geste libéré et la méditation, le chant de Jordi Savall approche ce qui lui tient à coeur: la vérité humaine, celle liée à la transmission qui dans l'oralité a permis que soit préservé un jeu ancestral de très ancienne mémoire. Récital solo époustouflant, essentiel, d'une épure incandescente, a contrario de l'expérience plus exubérante des Witches, tout aussi ensorcelants dans le même répertoire.

 

  

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