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Analyste: Paul de Louit
Pour son premier disque, Francesco Tropea est allé chercher une séquence de BWV issus de copies du cercle de Bach (Krebs, Kellner, Müthel) et dont l'attribution au Cantor est éminemment douteuse. Deux (BWV 964, 968) sont des transcriptions à partir de ses sonates pour violon seul BWV 1003 et 1005, deux autres (BWV 965, 966 ) des adaptations de l'Hortus musicus de Reincken. A des mouvements isolés (BWV 967, probablement une transcription), aux titres parfois incertains ( Presto BWV 970 intitulé Menuet dans le manuscrit), s'ajoute encore la Sonate BWV 963 en ré majeur, qui doit quelque notoriété à sa fugue burlesque « à l'imitation de la gallina cucca » - une race ancienne de volatile, sans rapport avec le coucou. Tropea n'y a guère de concurrence : Bahrami (Decca, 2009) est très lisse, et les illustres Tureck, Hewitt ou Richter n'ont enregistré que l'une ou l'autre des sonates.
L'entrain du jeune Calabrais a un chic fou. Ça chante, ça orne, ça virevolte. Ici, on fournit les accords ; là on joue avec les arpègements. La science n'y est jamais pédante : le clavecin n'est pas loin, mais le Steinway de 1975 sonne avec un moelleux et des basses d'orgue. Tant mieux pour la sonate BWV 963, écrite pour clavecin à pédales. Elégance et abattage : la brève mais orchestrale BWV 967 ouvre le disque avec un sourire de star. Les fugues rapides d'après Reincken sont épatantes, les chromatismes de celle en la mineur soulignés juste ce qu'il faut, au micropoil ; et les notes répétées de la gallina d'une crépitante égalité. A peine un ou deux enlisements ponctuels sur des cadences, et des récitatifs qui perdent en traînassant leur liberté déclamatoire, nous font-ils parfois regretter l'éloquence plus sèche de Rosalyn Tureck (BWV 965, en 1948, chez VAI). N'importe, courez-y !
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