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Analyste:
Jean-Philippe Grosperrin L'étrange chose !
Ce joyau de 1774, qui lançait la « révolution » (mot d'époque) opérée dans l'opéra français, demeure délaissé dans la discographie de Gluck. En voici le deuxième enregistrement, et le seul sur instruments anciens.
Dirigeant l'Orchestre de l'Opéra de Lyon et son Monteverdi Choir, Gardiner (1987, Erato) optait pour la partition révisée de 1775, avec Diane ex machina et la marche finale vers Troie. Place ici à la version originale (avec par exemple un air de Patrocle avec chœur) mais sans l'intégralité des danses : l'argument d'une priorité donnée au drame se discute, et justifie-t-elle vraiment de réduire la passacaille à deux minutes et demie ou d'estropier « Que d'attraits, que de majesté » ?
L'orchestre laisse partagé, l'avantage du coloris n'empêchant pas certaines inflexions prosaïques. Julien Chauvin a ses moments, du nerf, de l'accent, du lyrisme aussi, mais le délié paraît çà et là indifférent au caractère du morceau. On s'étonne qu'un musicien expérimenté hâte le tempo jusqu'à brouiller l'intelligibilité du texte : le chœur versaillais, diligent et bien sonnant d'ailleurs, doit céder à l'éloquence de son rival.
Les solistes de Gardiner se font aussi regretter, leur vraie noblesse notamment. Jean-Sébastien Bou est pourtant parfait en Calchas (à lui le dénouement) et Judith Van Wanroij mérite une autre couronne que celle du sacrifice. Moins adolescente que Lynne Dawson, elle touche sans effort au sublime à l'acte III. Son Achille est bouillant mais nuancé, parfois léché ou stressé, mais le tempérament artiste de Cyrille Du-bois produit assurément un personnage, en dialogue captivant avec sa princesse.
Agamemnon convient-il à Tassis Christoyannis ? La sensibilité est là, mais au bord du larmoyant, quand le mordant, le poids, la majesté manquent dans une expressivité un rien fabriquée. Mais c'est Stéphanie d'Oustrac qui dépare l'ensemble, loin de « l'émission tranchante » souhaitée par le chef pour Clytemnestre. Voix épaisse, tassée, qui court après la dignité en gesticulant : son acte II est caricature (la supplication !), l'imprécation au III passe mieux, sans atteindre jamais à l'intelligence royale du texte et de l'affect que déployait une Anne Sofie von Otter pourtant jeunette.
La version Gardiner, plus cohérente et forte, mieux distribuée, garde l'avantage, mais la nouvelle est à entendre absolument.
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