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Classica # 258 (12/2023)
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SEULETOILE
 SE 08




Code barres / Barcode : 3770020083136

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Analyste: PHILIPPE RAMIN

 

L'audacieux projet de l'ensemble El Gran Teatro del Mundo repose sur le monologue de La Vie est un Songe de Pedro Calderón de la Barca et nous invite à un voyage musical au cœur de la nuit. Privé de mots car interprété aux seuls instru[1]ments, ce florilège d'œuvres vocales du baroque français n'est pas sans rappeler la pensée inconsciente qui vagabonde au cours du sommeil et fait appel à un art de la persuasion tout particulier. Les couleurs instrumentales singulières ne sont pas étrangères à la réussite de l'entreprise : la sombre taille de hautbois et le théorbe sensuel de Jonas Nordberg (musicien curieusement non crédité sur la notice) apportent un éclairage nouveau au " Récit pour le Mystère ", extrait du Triomphe de l'Amour de Lully, ou à la plainte de Médée dans l'opéra éponyme de Charpentier.

Tour à tour solistes, les instruments riva[1]lisent d'une virtuosité ornementale où se risquent encore peu les chanteurs, et l'ensemble explore de nouvelles pistes expressives sur le plan du phrasé : " Le Sommeil " d'Atys s'appuie sur une pulsation d'une grande souplesse, la " Simphonie pour le Sommeil " de Marais fait valoir des inégalités très expressives car peu systématiques. On est charmé de redécouvrir ces pièces parées de nouvelles couleurs, une manière neuve et pertinente d'organiser les contrastes, la finesse du trait mélodique. Aussi à l'aise au violoncelle qu'à la viole Bruno Hurtado dispense un soutien très présent, Minam Jorde au hautbois rivalise d'imagination avec la flûte émouvante de Michael Form tandis que le clavecin de Julio Caballero utilise avec discernement les outils du continuo français où style luthé et arpèges figurés tiennent une large part. Ses Sourdines d'Armide, page de Lully transcrite par D'Anglebert pour le seul clavecin, sont un modèle de raffine[1]ment et de beauté du toucher.

Le petit ensemble bénéficie de la vir[1]tuosité épatante de violonistes dont les unissons impeccables apportent densité et caractère à l'" Air pour les Furies " de Marais (Sémélé) et à l'" Air pour les Démons et les Monstres " de Lully (Amadis). Une perle dans cette succession de bijoux, la transcription des " Fées de Roland " de Lully au théorbe dont la fin réservera à l'auditeur une surprise délicieuse. Un très beau projet mené par de talentueux poètes musiciens.


 
   

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