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Diapason # 711 (05/2022)
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Gemelli Factory
GFA001/01



 

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Analyste: Denis Morrier

 

Enregistré en janvier 2021 au Studio RiffX 2 de La Seine Musicale, à Boulogne, par Benjamin Ribolet. Les cordes aux combinaisons variées (violons, violes de gambe, violoncelle, harpe, théorbe, clavecin…) et les deux ténors font l'objet d'une mise en scène sonore très élaborée, qui réussit à s'affranchir des limites du cadre acoustique !

Est-il voix plus dissemblables et donc complémentaires, que celles de ces deux artistes, parmi les mieux rompus aux répertoires du baroque naissant ? Le ténor charnu et corsé d'Emiliano Gonzalez Toro se distingue pour mieux s'unir avec celui, plus clair et léger, de Zachary Wilder : un contraste idéal pour « surligner » les entrelacs polyphoniques des duetti da camera composés par certains épigones de Monteverdi. En témoigne l'enivrante Ciaccona d'Annibale Gregori, publiée trois ans seulement après son modèle évident : le célèbre Zefiro torna. De même, les passaggi fulminants de Galeazzo Sabbatini (Folgori Giove) évoquent le stile concitato des madrigaux guerriers du Livre VIII. Enfin, l'ombre d'Orfeo semble planer sur les erratiques méandres du Dove t'en vai de Turini, jusqu'à sa mystérieuse conclusion, toute en demi-teintes.

Soulignée par un continuo coloré et inventif, riche de savoureuses parties de violes, violons et flûtes à bec, l'opposition des couleurs et des tempéraments invite à d'habiles confrontations rhétoriques, à la manière des dialoghi da teatro : l'héroïsme pathétique d'Emiliano Gonzalez Toro (culminant dans le sobre et bouleversant Giunto alla tomba de Sigismondo d'India) s'oppose ainsi à l'ironie désinhibée de Zachary Wilder (malicieuse Vecchia innamorata de Marini). Autre jeu de reflets : les vers de Rinuccini se croisent à travers les monodies maniéristes du Palermitain D'India (Piangono, au dolorisme suave) et les duos à la préciosité raffinée du Padouan Notari (Intenerite voi, empli de délicieuses dissonances). Ce fascinant face-à-face des voix, des musiques, des compositeurs file la métaphore du miroir jusqu'à la mise en abyme : admirable !



   

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