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Analyste: Sophie Roughol Il va encore falloir rêver de ce Messie incontestable auquel on décernerait sans arrière‑pensées la récompense suprême. Un Messie qui comme celui‑ci ne renierait pas le concert auquel il est destiné (enregistré sur le vif à Lille), qui donc serait un peu plus chaleureux que le chef‑d'oeuvre élégant de Gardiner. Un Messie qui donnerait corps aux mots et aux visions du librettiste Charles Jennens. Un Messie dont la musique serait aussi convaincante dans la crèche de Noël, qu'au pied de la Croix puis du Christ ressuscité. Car il n'y a pas « un » Messie, mais au long des trois sections de l'oratorio, un continent d'ambiguïté, foi et théâtre, introspection et récit, esprit et chair, dont il faudrait emprunter tous les chemins d'accès. Est‑ce d'ailleurs réalisable ? Marriner, Gardiner, McCreesh s'en approchèrent à des titres divers. Emmanuelle Haïm a de forts atouts pour faire sa place face à une concurrence redoutable. Le choeur et l'orchestre sont arrivés à un niveau exceptionnel de ductilité. Le quatuor de solistes, rompu au chant handélien et soudé dans les intentions, ne réussit pas toujours à transfigurer la partition : la basse Christopher Purves notamment, hier souverain avec les Sixteen, ou le contre‑ténor Tim Mead, anonyme mais séduisant par la rondeur de son timbre. Exigence de lisibilité, façonnage minutieux des proportions, l'élan proverbial d'Haïm perfuse des troupes bigrement solidaires... pour qui respirer semble tout à fait secondaire. Dans ce Messie ‑ rondement ‑ mené et grandiose, Haïm est enjouée, ardente, rageuse... mais aussi anecdotique à force de transparence (« O thou that tellest good tidings to Zion »), ou de prudence inattendue (« Let us break »). L’urgence est si constante qu'elle fuit un autre temps, celui de la prophétie. On espère ici une respiration, là une méditation, un mystère qui suspende un instant la marche inexorable. Cela arrive, trop rarement : instants palpitants dans un écrin rutilant. Avons‑nous raison de guetter ces suppléments d'âme ? Quand résonne l'Amen conclusif, magistralement mené (comme d'ailleurs l'Hallelujah), nous en doutons déjà. |
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