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Diapason # 630 (12/2014)
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DECCA 4810797   Naïve   V5399
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Analyste: Michel Laizé

Certains compositeurs développent un langage dont la puissance et l'expressivité sont tellement constitutives de leur écriture que le choix instrumental est, tout compte fait, de moindre importance que l'interprétation. Bach est de ceux‑là, Scarlatti également. Que ses sonates soient présentées au clavecin, au piano, parfois à l'orgue ou transcrites pour l'orchestre comme Avison le fit au XVIIIe siècle, il en résulte toujours pour l'auditeur une joie dans la découverte d'un aspect nouveau, d'un éclairage neuf porté sur ces merveilleuses scènes miniatures d'un théâtre où se combinent comedia dell'arte, danses hispaniques ou rêveries mélancoliques.

Voici donc deux florilèges de sonates au piano, dont les options divergent. La sensibilité d'Igor Kamenz penche vers l'évocation poétique légèrement brumeuse à l'image d'un Watteau, tandis que Maurizio Baglini choisit la flamboyance des couleurs ensoleillées d'un Tiepolo joyeux. Il faut dire que le type d'enregistrement participe grandement à cette différenciation: autant Kamenz est présenté dans un environnement intime et feutré, autant Baglini, plus lointain, est placé dans une ambiance réverbérée et assez clinquante.

Mais c'est le jeu et le toucher des interprètes qui fait la distinction ma­jeure. Kamenz caresse avec sensualité son clavier et articule avec délicatesse les traits véloces des sonates brillantes. Le ton de confidence touchante lui convient particulièrement (K 197). L’image qu'il donne des mouvements rapides est nivelée sur un tempo commun qui peut laisser une sensation de monotonie (les K 381 et K 119 se succèdent sans différences bien remarquables). Une autre particularité de son interprétation : le goût pour le « fondu enchaîné ». Souvent là où on a l'habitude d'entendre une articulation franche du discours, Kamenz fond les éléments de phrases très subtilement, ce qui ne manque pas de séduire (les reprises dans la KV96). Les trilles quasi mesurés dans la K 11 sont trop précieux à notre goût. En revanche, quel beau rubato, dans la K380, quelle ductilité dans l'énoncé! Baglini, qui entend privilégier le « tempo di danza », le fait parfois au risque de la caricature. La K 380, si rêveuse avec Kamenz, devient sous ses doigts l'aubade sarcastique d'un Arlequin refrénant ses ardeurs. Le forte dévoile un toucher plutôt percussif, qui sonne bien crépitant et parfois agressif (K515). Certains ajouts d'harmonies (K 460) sont‑ils nécessaires ? C'est brillant, virtuose avec panache (K 159) mais trop péremptoire ou brouillon (K460). Les sonates lentes, abordées avec distance, ne semblent pas habitées intérieurement (K90).

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