Les Partitas mettent en évidence l'écueil qui consiste à catégoriser les suites pour clavier de Bach selon leurs épithètes tant ces six suites allemandes recèlent autant d'exemples de vivacités italiennes, d'ouvertures à la française, que de fugues. Au vrai, Johann Sebastian Bach ne cloisonne pas: il compose la même musique pour les voix et les instruments, adopte les goûts réunis chers à notre Couperin, utilise les rythmes de danse comme vecteurs du sacré (les sarabandes, sans parler de la sicilienne d'« Erbame dich » ... ). Ce dernier point, Igor Levit l'a compris, qui instaure un climat contemplatif, apaisé. Aucune résistance du médium ici, contrairement à Glenn Gould qui jouait contre son instrument. on entend une vibration ininterrompue que l'usage parcimonieux de la pédale prémunit d'un rendu trop épais. Cette manière de creuser la rondeur du son rappelle Murray Perahia (Sony), mais le pianiste germano‑russe ose un jeu encore plus enveloppant ‑ et pleinement assumé comme tel ‑ qui parvient même à anesthésier le mouvement trépident de la Gigue de la Première Suite, comme s'il s'agissait d'atteindre ici aussi « l'harmonie des sphères », sans début ni fin. Du coup, l'entourage malicieux des galanteries reste en deçà de la cursivité digitale qu’on serait en droit d'attendre (la bien sage Ouverture de la Quatrième Partita). Au nombre des qualités qui étreignent l'auditeur figure surtout ce sentiment de plénitude absolue, allant de pair avec une suspension du temps.

Ainsi des sarabandes, substantialisées. Ainsi des allemandes et des courantes, qui perdent en pas cadencés ce qu’elles gagnent en troublantes « lévitations ». Étonnant!

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