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Analyste: Jean‑François Lattarico Le roi solaire
Un roi de Perse crédule sur le déclin, deux frères que tout oppose (sauf l'ambition du trône), une princesse travestie pour venger son géniteur assassiné par le roi (père de son fiancé), des péripéties rocambolesques couronnées par une révolte populaire et le triomphe de la vertu incarnée par Siroe : telle est l'intrigue très romanesque du second livret de Métastase, que l'on connaissait dans la version handélienne de 1728 (cf l'enregistrement d'Andreas Spering, HM). Cinq ans plus tard, l'autre « Caro Sassone », Johann Adolf Hasse, tisse pour Bologne ses airs sur l'excellent livret, avant de le reprendre trente ans après à Dresde, dans une mouture plus resserrée. Max Emanuel Cencic, qui tient le rôle‑titre et initiait ce projet, a retenu la seconde version. La réussite exemplaire devrait servir la cause de Hasse, maître incontesté du bel canto en son temps, jalousé dans l'Europe entière.
COURSE D'OBSTACLES Comment se peut‑il qu’il s'agisse seulement du troisième opéra enregistré (après Cleofide et Didone abbandonata) sur les cinquante‑six qu’il a composés ? L'explication se trouve dans les difficultés de la partition et de toutes les autres de Hasse ‑ difficulté des airs de bravoure et pas moins des morceaux élégiaques alla napoletana, qui demandent une grande finesse d'exécution. Cencic offre à Siroe une palette variée, écho des multiples affects qu'éprouve le héros confronté tour à tour à la vindicte de son frère, au trouble de son père, au dilemme de sa fiancée (cf « La sorte mia tiranna » aux tonalités contrastées). L'amplitude vocale de Fagioli qui campe l'infâme Medarse impressionne forcément: son aria di sdegno à la fin du I stupéfie, mais il sait aussi soupeser les nuances du texte métastasien (superbe « Tu decidi del mio fato ») qui sèment le trouble chez un roi vaillant mais fragile (le ténor Juan Sancho). Julia Lezhneva, à qui reviennent les airs les plus virtuoses, n’en fait qu'une bouchée, sourire aux lèvres. L'intrigante Emira West pas en reste (rivalité de prime donne oblige): l'ajout de Graun à la fin du III (« Di tuo amor ») laisse l'auditeur ébahi. Si l'opera seria est fortement hiérarchisé, il n’y a pas musicalement de petits rôles : dans celui d’Arasse, personnage secondaire mais ressort essentiel de la mécanique théâtrale, la soprano Laureen Snouffer défend avec grâce et panache le devoir et l'amitié qui priment dans ce labyrinthe des passions humaines.
Hommage superlatif à la phalange
mordante, équilibrée, jamais dans l'emphase gratuite de George Petrou.
Indispensable. |
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