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Appréciation d'ensemble: | |
Analyste: Jean‑Philippe Grosperrin Révélé au disque en 2006 par Hugo Reyne (cf. nº 542), le premier opéra de Lully nourri du merveilleux « moderne » de la chevalerie ne jouit pas du livret le mieux disposé de Quinault. Amadis captive pourtant par sa perpétuelle invention poétique : monologues frappants et variés, nombreux duos, trios, ensembles (oniriques ou superbement plaintifs), spectre sortant du tombeau (un modèle), économie interne des actes, science du mouvement jusqu'à la monumentale chaconne conclusive. Les personnages abondent mais le moment musical et théâtral l'emporte sur le développement d’un caractère, sauf pour l'ardente Arcabonne. Celle choisie par Hugo Reyne était insupportable, au sein d'une distribution bancale. Notamment intelligibles, les chanteurs de la nouvelle gravure satisfont davantage. On aime la pertinence de Pierrick Boisseau, la noblesse sereine et ferme de Bénédicte Tauran. Face à Benoît Arnould, Hasnaa Bennani en Corisande fait valoir un soprano sensuel et bien conduit, sans l'éloquence de Françoise Masset dans la version précédente. L’interprète d’Arcalaüs veille à la noirceur vocale du magicien vengeur mais reste très littéral, sans insinuation ni mystère. Sa soeur en maléfices est fort bien servie par Ingrid Perruche: malgré un matériau presque trivial et un monologue d'entrée un peu noyé, elle montre ensuite intelligence et imagination, un verbe plein et subtil, nonobstant les « éclats de voix merveilleux » qui distinguaient Marthe Le Rochois, créatrice du rôle. Une élocution inégale, des acidités n'empêchent pas la dolente Oriane d'offrir ici un profil altier et à l'acte IV un beau pathétique. Bizarre déconvenue avec Cyril Auvity, héros monotone dont le stress désamorce la poésie dès l'acte Il, gommant jusqu'au charme de « Bois épais ». La faute, aussi à Christophe Rousset, dont la manière précise mais rectiligne, souvent sèche, prive la musique de sa respiration. Amadis, que veux‑tu de moi ? Là où l'orchestre d'Hugo Reyne, aux vents plus impliqués, créait dès le prologue des climats, des suspensions, des équivoques, cultivait dans les danses un phrasé flexible, on trouvera souvent ici un geste compassé ou sautillant, indifférent aux changements de la temporalité scénique. Les interventions énigmatiques de Reinoud Van Mechelen ne suffisent pas à donner au leurre pastoral du Il son aura de fantasme. Les moments plus immédiatement dramatiques vont mieux, et tout l'acte IlI, dans le palais ruiné, est une réussite. Mais gare aux deux fois sept minutes de la chaconne finale : au lieu d'une magnificence in progress et en apothéose, d'une architecture qui danse, il faut se contenter d'un dessin terne, pauvre en perspective et en délié. Pour goûter Amadis, cette version n'éclipse pas la précédente mais la complète. |
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