Analyste:
Xavier Bisaro
Thresor de Musique...
Cette figure de style désignant Sermisy dans l'hommage composé par Pierre
Certon, son confrère à la Sainte‑Chapelle, résume parfaitement la nouvelle
réalisation de Vox Cantoris. Le programme enchaîne des oeuvres rares ou
inédites au disque, agencées avec ingéniosité : autour de la Missa
prodefunctis, des passages en plain‑chant complétant cette messe
polyphonique, le psaume De profundis en faux‑bourdon (attribut
indispensable de toute cérémonie mortuaire), une lecture et le répons
polyphonique Peccantem me de Mouton empruntés à l'office des morts.
Sans oublier la Déploration sur la mort de Sermisy. Malgré la perte
d'une des parties séparées de son unique source imprimée, ce joyau a pu être
reconstitué et trouver place dans la longue lignée des chansons médiévales
et renaissantes commémorant un musicien disparu en mêlant texte poétique et
citation du requiem. L’album témoigne en outre d'une maîtrise consommée du
chant au lutrin. Rodés à l'exigeante cohésion que le plain‑chant requiert,
les membres de Vox Cantoris en connaissent aussi toutes les subtilités
vocales. Transposée à la polyphonie, cette manière de conduire
solennellement une ligne en la parant d'infimes inflexions de timbre,
d'attaque ou d'ornementation confère au texte chanté une irrésistible
puissance de projection. Le souci du détail y relève de l'orfèvrerie:
conclusions impressionnantes de stabilité, accentuation bien calibrée (ni
indifférente, ni « baroque «), spatialisation de certaines section de
l'album... A l'écart de la propreté aseptisée autant que de
l'expérimentation hasardeuse, Vox Cantoris dispose maintenant d'un style
polyphonique caractéristique, combinant un sérieux fondement historique, des
intuitions
pionnières et une présence physique perceptible même par le seul biais du
disque. Mais il est une chose encore plus précieuse dans cet enregistrement:
son évocation par la musique de l’ars moriendi de la
Renaissance. Accompagner un corps et prier pour une âme était un engagement
‑ dans tous les sens du terme ‑ de ceux qui restaient sur la terre. Ce
disque vaut ainsi pour rappel : la mort est la grande affaire de la vie.
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