Texte paru dans: / Appeared in:
Decca 4786767
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Appréciation d'ensemble / Overall evaluation : | |
Analyste: Sylvain
Fort Cecilia Bartoli a le chic pour nous épater et nous irriter à la fois. Nous épater : il n’est pas anodin de rendre leur prime jeunesse à ces pages devenues pratiquement les fossiles‑témoins d'une civilisation engloutie. Il faut choisir avec soin les jalons d'une acculturation féconde de l'opéra italien à la cour de Russie. Araia, présent par deux extraits, fut pendant près de deux décennies le seul représentant de son art à la cour ; mais il fut aussi le premier à écrire un opéra en russe. Bartoli retient des airs assez déclamatoires contrastant avec la veine clairement Sturm und Drang de Raupach, maître de chapelle et compositeur de la cour dès 1758 (et accointé avec Mozart). Superbe extrait (en russe) d'Alceste. Manfredini lui succédera, imposant un style tout classique : « Fra lacci tu mi credi » est d'un drapé de belle facture et la pompe d'« A noi vivi » intéresse. Mais déjà les élèves de Raupach, comme Bortnianski ou Fomine, oeuvraient pour l’opéra national ‑ Cimarosa vint trop tard, et sa Vergine del Sole fit long feu (l'extrait est époustouflant). Restituer en dix airs ces filiations complexes est une gageure. Comme l'est l'adéquation vocale à cinquante ans d'opéra italien en Russie. La prouesse impressionne, assurément. Nous irrite aussi : cette belle ambition est comme recouverte par les artifices d'une formule éprouvée. Le programme même appartient à cette musique où la rhétorique parfois pallie le manque d'inspiration (l'extrait du Siroe de Raupach, entre autres). Ces trésors oubliés sonnent parfois, c'est le comble, comme du déjà entendu. Les idiosyncrasies de la chanteuse tournent parfois au tic (ce sourire tiré, cette pétulance surjouée). Surtout, dix airs c'est vraiment trop peu pour honorer le projet, et le livret est étique. Le disque est donc plus une tranche d'hédonisme bartolien qu’autre chose; les mises en scènes à toque et neiges rococo n’en sont qu’un énième habillage. Pourquoi alors ne pas franchir le pas et confier à Cecilia la composition de morceaux valorisants qu'elle chanterait elle‑même, arborant au passage toutes les tenues imaginables, de la squaw à la reine d'Égypte ? Au moins, on saura à quoi s'en tenir. | |
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