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Diapason # 629 (11/2014)
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Code-barres / Barcode : 0028947867678 (ID463)

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Appréciation d'ensemble:

Analyste: Jean‑François Lattarico

Derrière la couverture kitsch se cache une fois de plus un programme peu couru et passionnant. Onze airs inédits du XVIIe siècle, provenant de la riche bibliothèque du Théâtre Mariinski, témoignent d'une acclimatation réussie de l'opéra italien en Russie sous l'égide de trois tsarines mélomanes (Anna Ivanovna, Elisabeth Ire et Catherine II). L’empire moderne fondé par Pierre le Grand se parait des atours de l'Occident. A ce somptueux costume (Saint‑Pétersbourg est une sorte de réplique de la lointaine Venise) ne manquait que l'opéra, inexistant en Russie avant 1731. Ornement incontournable de la vie de cour, il est importé par le Napolitain Araja (dont La forza dell'amore e dell'odio ouvre le disque), tandis que l'Allemand Raupach y élabore le premier ouvrage en langue russe, sur le mythe d'Alceste. En dehors de Cimarosa, les compositeurs exhumés par l'équipe experte de Bartoli n'embarrassent pas les disquaires. La musique est belle parfois très belle (le langoureux «Vado a morir », l'impétueux « Fra lacci tu mi credi » avec son solo de flûte obligé), même si la facture n'est guère originale. On perçoit sans peine l'influence de Hasse – très joué en Russie ‑ dans l'opéra de Raupach qui n'a de russe que la langue, tandis que le rythme ternaire typiquement parthénopéen irrigue les oeuvres d’Araja. Seuls les trois extraits du Carlo Magno de Manfredini, plus tardif (1764), se distinguent par une intensité et une véhémence pathétiques dont Bartoli se régale. On pourrait regretter l'absence de Tommaso Traetta, au service de la Grande Catherine de 1769 à 1775 pour qui il créa ses chefs‑d'oeuvre Antigone et Olimpiade, mais la chanteuse a préféré jouer la carte de la rareté, et on lui en sait gré.
La voix de Bartoli, sollicitée dans l'aigu et le suraigu, est moins solide à ces latitudes et résiste moins aux frimas du grand nord. On sent en effet une tension telle (chez Raupach plage 2, ou dans le Cimarosa) que la glace n’est pas loin de rompre. Mais sa technique a toujours de quoi sidérer, la précision du mot et du trait établit un dialogue intense avec l'habillage instrumental, conçu non comme un simple accompagnement mais, en ce mitan du siècle, déjà comme un élément constitutif du drame. Ses pianissimos se coulent tendrement dans les airs élégiaques d’Araja, et l'abattage furioso du Cimarosa (« Agitata in tante pene ») ou de Raupach (« O placido il mare ») renvoie aux albums Vivaldi et Gluck.

 

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