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Analyste: Jean‑François Lattarico
Derrière la couverture kitsch
se cache une fois de plus un programme peu couru et passionnant. Onze
airs inédits du XVIIe siècle, provenant de la riche bibliothèque du
Théâtre Mariinski, témoignent d'une acclimatation réussie de l'opéra italien
en Russie sous l'égide de trois tsarines mélomanes (Anna Ivanovna, Elisabeth
Ire et Catherine II). L’empire moderne fondé par Pierre le Grand se parait
des atours de l'Occident. A ce somptueux costume (Saint‑Pétersbourg est une
sorte de réplique de la lointaine Venise) ne manquait que l'opéra,
inexistant en Russie avant 1731. Ornement incontournable de la vie de cour,
il est importé par le Napolitain Araja (dont La forza dell'amore e
dell'odio ouvre le disque), tandis que l'Allemand Raupach y élabore le
premier ouvrage en langue russe, sur le mythe d'Alceste. En dehors de
Cimarosa, les compositeurs exhumés par l'équipe experte de Bartoli
n'embarrassent pas les disquaires. La musique est belle parfois très belle
(le langoureux «Vado a morir », l'impétueux « Fra lacci tu mi
credi » avec son solo de flûte obligé), même si la facture n'est guère
originale. On perçoit sans peine l'influence de Hasse – très joué en Russie
‑ dans l'opéra de Raupach qui n'a de russe que la langue, tandis que le
rythme ternaire typiquement parthénopéen irrigue les oeuvres d’Araja. Seuls
les trois extraits du Carlo Magno de Manfredini, plus tardif (1764), se
distinguent par une intensité et une véhémence pathétiques dont Bartoli se
régale. On pourrait regretter l'absence de Tommaso Traetta, au service de la
Grande Catherine de 1769 à 1775 pour qui il créa ses chefs‑d'oeuvre
Antigone et Olimpiade, mais la chanteuse a préféré jouer la carte
de la rareté, et on lui en sait gré.
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