«AMADIS», PATRIMOINE FRANÇAIS

Après « Roland », « Persée », « Bellérophon » et « Phaéton », Christophe Rousset continue avec « Amadis » à faire renaître les tragédies lullistes du Grand Siècle.

Foin de la mythologie et de ses olympes ! Pour inaugurer ce qui deviendra aux côtés de Roland et Armide sa « trilogie chevaleresque », le binôme Lully/Quinault obtempère aux désirs de Sa Majesté: honneur au mythe d’Amadis, lequel offre l'avantage de renouveler l'esprit du merveilleux en l'incorporant à des scènes pittoresques. Johann Christian Bach s'en souviendra pour son opéra français Amadis de Gaule, bien que Florestan et le choeur des captifs nous évoquent surtout Fidelio...

Cette nouvelle version (Hugo Reyne, avec un plateau plus inégal, en avait déjà gravé une pour Accord) enregistrée en public à l'Opéra de Versailles a toutes les chances de s'imposer comme la référence. Oubliez pour un temps Caruso ou Villabella dans « Bois épais » et écoutez donc Cyril Auvity et son art de la diminution. Mais ce n'est pas tout : le ténor français à la légère fêlure dans la voix campe un personnage profondément humain et expressif, dont le moindre récitatif se libère de la barre de mesure pour atteindre les régions de la pure émotion. Des qualités que l'on retrouve dans l'Arcabonne d'Ingrid Perruche, tragédienne en diable, faite avant tout de chair et de sang. C'est bien la femme qui, à travers ce vibrato généreux et cette faculté de coller aux mots, perce sous l'enchanteresse. Edwin Crossley‑Mercer est diabolique en Arcalaüs, l'Oriane de Judith van Wanroij pathétique lorsqu'elle dévoile ses vrais sentiments. Après un premier acte un peu rêche, Christophe Rousset obtient des Talens Lyriques une cohésion toute chambriste sans jamais verser dans le bibelot sonore. L'acte III, avec sa troupe de captifs (superbe choeur de Namur), s'avère une pure merveille de l'opéra français. À découvrir d'urgence !