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Analyste:
Jérémie Bigorie
De Locatelli qui jouait « comme un diable » au pacte scellé par Paganini, la
virtuosité a toujours semblé suspecte, au point d'engendrer son lot de
fantasmes. « L'ange » peine à s'affirmer dans cet « entraînement d'endurance
artistique et technique » préparant à la situation du concert qu'était la sonate
baroque avec continuo. C'est pourtant le qualificatif qui fut accolé à Leclair,
en opposition bien sûr à Locatelli. Le premier cultive un art de la mesure, le
second un art de l'illusion. Sous les doigts de Chouchane Siranossian, la
sonorité s'accorde pleinement aux différents univers : ronde et charmeuse chez
Leclerc, elle délaisse la séduction chez l'Italien, s'autorisant même quelques
aigreurs et frottements à des fins expressives, à l'image d'un dessin à la mine
de charbon dont le tracé baverait par endroits. L'éventail des positions
possibles sur l'instrument semble passé en revue via la vertigineuse montée du
Capriccio pour violon seul qui referme les douze Sonates op. 6.
Pour apprécier pleinement les fameux Trilles du diable de Tartini dans sa
version authentique pour violon et clavecin, il convient de désapprendre, à
l'instar de la chaconne de Vitali, nos modèles romantiques : l'ornementation et
les rythmes de danses s'immiscent dans le discours très bien mené par Chouchane
Siranossian et Jos Van Immerseel. On retrouve le claveciniste en solo dans des
extraits de la Suite n° 5 présentée ici sous le nom d'Antoine Forqueray
alors que le même label, dans un récent enregistrement dû à Justin Taylor (d'un
jeu plus libre et moins raide qu'Immerseel, CHOC, lire Classica n° 187),
l'attribue à son fils Jean-Baptiste, lequel édita le recueil de son père non
sans y avoir ajouté quelques « pièces de sa composition » ; reste à savoir
lesquelles...
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