Texte paru dans: / Appeared in: |
|
Appréciation d'ensemble: | |
Analyste:
Isabelle Ragnard En juillet 1362, le chanoine Machaut, à l’automne de sa vie et malade depuis plusieurs mois, reçoit un rondeau écrit par une jeune fille désireuse d’avoir son avis sur ses talents poétiques. La missive lui rend à la fois santé et énergie créatrice. Ils entament une correspondance et se rencontrent à deux reprises. Le Voir Dit est le « récit véritable » de cette ultime aventure amoureuse, racontée sous forme de lettres et de poèmes échangés entre le vieux maître et sa jeune égérie Toute Belle. Friande de chansons, celle-ci réclame de nouvelles partitions à Machaut qui joint neuf compositions musicales à ses lettres. L’Ensemble Guillaume de Machaut de Paris (Adès, 1977) et l’Oxford Camerata (Naxos, 1996) n’avaient sélectionné que quelques pièces : les voici toutes réunies par l’Orlando Consort, ce qui nous vaut le plaisir d’entendre deux œuvres particulièrement rares, le rondeau Dame, se vous n’avez aperceü et la ballade Se pour ce muir. Bien qu’elles soient chantées dans l’ordre du récit, il manque quelques lignes évoquant leur contexte dans Le Voir Dit. Car si certaines chansons sont des pages anciennes « recyclées » par Machaut, les quatre ballades et le rondeau Dis et sept, cinq (qui contient caché le nom réel de Toute Belle) furent bel et bien composés à l’époque de cette romance, dans le style de sa maturité, qui est également celui de sa Messe. Dans ces chansons presque toutes polyphoniques, le maître introduit de longs mélismes qui tendent à fragmenter les paroles et augmentent la prégnance du contrepoint musical, mis à nu avec une parfaite maîtrise par le quatuor vocal anglais. Les chanteurs - partisans depuis toujours d’une interprétation entièrement a cappella - mettent un soin tout particulier dans la prononciation de l’ancien français mais la fusion des voix masculines, surtout dans le registre du contre-ténor Matthew Venner, nouveau venu dans l’Orlando Consort, fait parfois perdre l’intelligence du texte. Avec une diction nette, presque excessive, Angus Smith soutient hardiment l’épreuve du long lai monodique, où ne lui manque qu’un peu de souplesse rythmique. Cette
perfection hiératique demandera un effort à l’auditeur habitué aux féeries
sonores mêlant voix et instruments des ensembles continentaux (Musica Nova
ou Pierre Hamon & Co). Il appréciera en contrepartie la plénitude du
contrepoint vocal. |
|
|
|
|
|
Cliquez l'un ou l'autre
bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD |