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Jean-Philippe Grosperrin Tout l’univers obéit à l’Amour, même les plus rebelles: éternelle maxime des pastorales, des fêtes galantes, de l’opéra-ballet en général. Celui-ci fut d’abord composé en 1748 pour Versailles et le théâtre de madame de Pompadour : aux deux actes d’origine (L’Enlèvement d’Adonis, La Lyre enchantée), un troisième (Anacréon) fut ajouté en 1758 par Rameau et son poète diligent, Gentil-Bernard. Cette version destinée à l’Opéra de Paris est enregistrée ici pour la première fois, seul Anacréon ayant déjà eu les honneurs du disque. Le librettiste a confectionné avec astuce ces fables hédonistes, mais c’est grâce au musicien qu’elles illustrent une célébration piquante du plaisir qui définit - ironie rococo comprise - tout un style Louis XV. On sait gré de l’entreprise à Sébastien d’Hérin, on entend sa quête du théâtre et du lyrisme, mais malgré l’enthousiasme de son jeune ensemble, la réalisation musicale laisse à désirer. Les grandes insuffisances du choeur frappent autant que la discipline très inégale de l’orchestre: équilibres précaires, traits parfois approximatifs, poli perfectible dans le jeu des timbres, basses trop lourdement soulignées. Les grâces en souffrent, en particulier pour certaines danses bizarrement frustes (passepieds de La Lyre). Dans une forme d’opéra où tout n’est que charme et volupté, et représentations de « la voix du plaisir », voilà des défauts d’autant plus sensibles que les chanteurs exposent des limites analogues. L’acte I paraît longuet avec quatre sopranos aussi peu épanouies et différenciées : l’Adonis sec d’Amel Brahim-Djelloul reste bien scolaire, et l’étroitesse de Virginie Pochon, avec sa couleur unique et pauvre, est fatale à Parthénope dans l’acte Il. En voix astringente, Caroline Mutel peine à dominer les sinuosités de l’Amour d’Anacréon. Diane, Uranie et la Prêtresse de Bacchus reviennent à Karine Deshayes, qui leur offre son autorité, sa science vocale, sa sensualité, mais aussi une langue peu nette ( voyelles confuses). Même Anders Dahlin est mal à l’aise, sans parler de l’Apollon que Pierre-Yves Pruvot transforme en gros bourgeois bourru. Anacréon superbement chanté et dessiné, soucieux aussi des liaisons, Jean-Sébastien Bou domine l’ensemble, mais pour l’acte II ici le plus réussi, cela ne suffit pas à concurrencer sérieusement la réussite de Minkowski (Archiv). Reste l’occasion de découvrir, même restreinte, l’ingénieuse magie de La Lyre enchantée, son « charme inévitable". |
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