Sacrée « Révélation lyrique » aux dernières Victoires de la Musique, Sabine Devieilhe ne manque pas d’atouts, à commencer par un beau soprano léger. Sa bonne fée eut aussi l’ingénieuse idée de la faire rencontrer Alexis Kossenko, l’un des chefs baroques les plus passionnants du moment, autour de ce projet Rameau. De quoi s’agit-il ? La recette n’est pas nouvelle, du pasticcio « The Enchanted Island » conçu par William Christie au « Haendel, Un Opera immaginaria » paru chez Virgin. Mais là où ce dernier ventilait les airs entre toute une équipe de chanteurs, « Le Grand Théâtre de l’amour » se montre plus proche d’une cantate profane à une voix : tout repose sur les épaules de la protagoniste. Plutôt qu’une trame dramatique assez alambiquée, on préfère retenir de ce plaisant recyclage des grandes oeuvres de Rameau (d’Hippolyte à Zoroastre) un portrait radiophonique élaboré par un producteur avisé, sensible à l’enchaînement des tonalités et aux atmosphères du génie ramiste. Sabine Devieilhe chante avec un style irréprochable. Sa prononciation châtiée, sa santé vocale éclatante en font la bergère parfaite d’une Arcadie reconstituée (« Je ne sais quel ennui me presse » de Naïs). Mais quand notre héroïne se trouve en proie à la jalousie et aux mécomptes sentimentaux, la corde tragique ne vibre pas encore suffisamment avec l’autorité idoine (« Vaste empire des mers ».

« Ambassadeur » inspiré du compositeur, Alexis Kossenko déploie tout son savoir-faire de flûtiste (trois solos) et de chef avec une énergie roborative, ne rechignant pas sur les effets pittoresques des percussions, tout en sachant sculpter les rythmes de danses et raviver les couleurs de l’orchestre (superbes bassons de « Tristes apprêts »).

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