Ce double album, réalisé à l’initiative de Michelle Makarski, constitue la première incursion classique au disque de Keith Jarrett depuis trois concertos de Mozart en 1996. En sus de quasi mythiques Goldberg et Clavier bien tempéré, le pianiste de jazz grava aussi les Sonates pour viole (avec Kim Kashkashian à l’alto) et les Sonates pour flûte (avec Michala Petri). On aurait pu s’attendre à ce que ce retour, après plus de dix ans d’absence, portât les fruits d’une intense réflexion, ou, à l’inverse, s’attachât à cristalliser la fraîcheur d’une rencontre autour de ces chefs-d’oeuvre. Il n’en est rien: c’est plutôt un manque flagrant de complicité qui ressort à l’écoute de ces Sonates. Première fautive, la prise de son qui, contrairement à ce que laisseraient croire les photos prises durant les séances d’enregistrement (à défaut de toute notice historique), ne parvient pas à restituer l’espace acoustique. Son aspect clinique désavantage le violon à l’intonation hasardeuse de Michelle Makarski, trop surexposé. Peut-être la captation a-t-elle aussi sa part de responsabilité dans cette absence de nuances (un perpétuel mezzo-forte) et d’interaction entre les deux instruments, chacun donnant l’impression d’évoluer dans son monde propre.

Le jeu de Keith Jarrett ? Objectif, respectueux du texte (ornementation minimale), assez froid et détaché. Une esthétique assez gouldienne en somme, sans les maniérismes et la précision analytique du pianiste canadien. Si les mordants sont un peu brusqués, le staccato de la main gauche dans l’Andante de la BWV 1015 a des accents de Walking bass assez séduisants. Pas de quoi sauver ce disque fade qui n’apportera rien à la discographie.

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