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Analyste:
Gaëtan Naulleau Il ne suffit pas de franchir l’Himalaya des Sonates et Partitas pour triompher des deux concertos que Bach tailla pour le violon. Julia Fischer en faisait l’expérience il y a cinq ans dans un album paru chez Decca, empesé, convenu, qui nous assommait autant que son intégrale du cahier pour violon seul nous avait comblés (Diapason d’or de l’année 2005). L’Academy of Saint Martin in the Field(s) (sic) ne lui facilitait certes pas la tâche. Janine Jansen, pour le même éditeur, a bien fait de réunir une douzaine d’amis qui ont dû travailler d’arrache-pied pour être à l’unisson de ses phrasés très pensés, d’une extrême variété au sein de chaque thème, chaque mesure. Crescendos furtifs, désinences légères comme une plume, combinaisons infinies de liés, lourés, détachés, tout se distingue et s’enchaîne avec autant de sensibilité que de logique. On aimerait de temps à autre que l’idée musicale s’exprime plus franchement (et pour cette raison nous restons fidèles, dans le même registre, à l’album de Zehetmair), mais reconnaissons qu’aucun maniérisme ne fige ce raffinement. La virtuose néerlandaise s’est essayée au violon baroque, cela s’entend. Par chance, elle n’a pas retenu de l’expérience une panoplie d’effets mais une palette d’articulation très subtile. Elle n’imite pas, elle ne renonce à rien de son jeu moderne : elle l’enrichit, avec une intelligence et une virtuosité hors pair. On se demande dans le premier allegro du Mi majeur pourquoi elle n’a pas réduit l’orchestre à un groupe de solistes, comme Mullova dans un disque superbe et déjà ancien (Philips, 1995). On comprend dans l’Adagio qui suit : le douloureux cheminement en do dièse mineur serpentera de pianissimos diaphanes en climax puissants. Ni Oïstrakh, ni Huggett : un peu des deux, et tout autre chose en somme. Dans la gigue en la mineur, Jansen profite aussi de cet effectif (3/3/2/1/1) pour ménager des progressions puissantes. Une prise de son exceptionnelle permet d’apprécier toutes les couleurs de la soliste et de ses compagnons. Même en cherchant bien, nous ne trouvons dans la discographie « moderne » du Double Concerto BWV1O6O rien d’aussi enthousiasmant (chapeau bas à Ramon Ortega Quero, car face à ce niveau de violon, le hautbois risque de faire pâle figure). Les deux sonates nous font retomber trois crans en dessous. On s’agaçait déjà d’un clavecin aux effets désuets dans l’orchestre des concertos (ces ponts bricolés dès qu’un silence se présente...), on mesure ses limites techniques et ses idées naïves dans les sonates (par exemple cette façon, dans l’Adagio ma non tanto, d’arpéger tantôt le deuxième accord de la mesure, (tantôt le troisième, voire le troisième et le cinquième). Comment reprocher à la violoniste de nouer ici le dialogue avec son père ? |
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