L’éditeur annonce la version de 1744, c’est-à-dire la seconde établie après la création de 1739. La différence entre les deux états se montre si significative qu’elle justifie un nouvel enregistrement. Rameau n’a pas seulement remplacé un air ici, une danse là mais il a entièrement recomposé les trois derniers actes avec la complicité de son librettiste: ce sont presque deux œuvres différentes. S’il est difficile d’établir une hiérarchie, on peut affirmer que l’une et l’autre offrent des moments inoubliables notamment à l’acte IV : le sommeil, la tempête et l’air d’Anténor dans la partition de 1739, l’air des prisons dans celle de 1744. Sans entrer dans les détails, signalons que la présente lecture ne suit pas scrupuleusement le texte annoncé et procède à quelques coupures.

Si l’affiche est enthousiasmante, elle ne tient pas toutes ses promesses. L’Anténor de Benoît Arnould et le Teucer d’Alain Buet, tous deux rivaux de Dardanus, ne manquent pas de vaillance ni de conviction. Gaëlle Arquez compose une Iphise grave et douce, jamais mièvre et même déterminée (acte IV). En revanche, Bernard Richter, qu’on a pu admirer en Atys, semble peu à l’aise avec la tessiture, souvent gêné dans l’aigu (fin de l’acte II) . Mais le plus embarrassant reste la conduite d’ensemble. Incontestablement stylée, souple et élégante, elle relègue cependant l’orchestre au rôle de décor et non d’acteur et elle n’aide pas assez les personnages à exister. Le passionné aura évidemment à cœur de pouvoir écouter cette version de l’opéra alors que le néophyte peut se fier à Marc Minkowski qui avait préféré la partition originale avec quelques menus aménagements (Archiv, 1998) pour découvrir un opéra étourdissant.