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Jean-Philippe Grosperrin Opéra plébiscité par le public dès sa création (1683), Phaéton est une des plus grandes réussites du couple Quinault-Lully, où les merveilles du spectacle mythologique et le drame noble des passions forment un ensemble extraordinaire d’architecture et de variété, sans compter les interprétations qu’ouvre le sort de ce héros qui meurt d’une sortie de route. Christophe Rousset et son orchestre suivent la leur avec constance, après un Bellérophon de belle venue (Diapason découverte, cf. n° 590). On retrouve la qualité et la séduction du choeur de Namur, désavantagé pourtant par la captation sur le vif salle Pleyel — ou bien est-ce Isis qui fait ainsi pleuvoir les sifflantes dans son temple ? L’ensemble instrumental, avec un continuo diligent, confirme l’intelligence sensible du chef, dont le geste s’est fait plus généreux, même si tel épisode parait trop uniment sautillant, ou si le tableau des Heures dans le palais du Soleil offrait plus de poésie et de danse dans l’interprétation de Minkowski (Erato, 1993). Car le nouvel enregistrement se mesure fatalement au précédent, qui aligne une des distributions les plus belles et les plus homogènes dont Lully bénéficie au disque (Crook, Yakar, Smith, Gens, Théruel, Naouri, Fouchécourt). Le plateau de Rousset, lui, est inégal. L’intervention capitale de Protée fait long feu, tandis qu’Andrew Foster-Williams semble confondre Epaphus, qu’il dessine au fusain, avec Hidraot dans l’Armide de Gluck. La majesté si naturelle de Gaëlle Arquez n’en peut mais : adieu la beauté élégiaque de leurs duos (inoubliables Gens et Théruel). Même à la limite parfois, Cyril Auvity prouve encore qu’il n’a guère de rival dans ce répertoire : le Soleil et plus encore la Terre trouvent avec lui le grand ton attendu. Chanteur de qualité, Emiliano Gonzalez Toro peine à cerner le protagoniste comme à rendre éloquente sa parole (la supplique au Soleil, par exemple). Il y a de quoi méditer enfin en écoutant Clymène et surtout Théone. Leurs timbres, leurs textures sont ce qu’ils sont, mais la multiplication de micro-effets au nom de l’expression ne nuit-elle pas en somme à la souplesse expressive dans cette sorte de tragédie lyrique ? Au-delà d’une signalétique mécanique et geignarde sur les mots pathétiques (« Ah ! », « Dieux ! », « Ciel ! », etc.), la perception effectivement rhétorique des passions est-elle condamnée à appuyer le trait jusqu’à une emphase grinçante, à surligner Quinault jusqu’à la gesticulation ? Est-ce l’effet pervers du live? Réécoutons la dignité subtile, la caractérisation autrement suggestive et profonde, la part de rêve aussi, de Rachel Yakar et Jennifer Smith, qui n’ignorent certes pas ce qu’est la rhétorique du grand siècle. |
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