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Diapason # 651 (11/2016)
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Analyste: Jean‑Philippe Grosperrin

 

« Voici le vrai Hadrien », s'écrie  Sabina quand la clémence de l'empereur apaise à la fin l’hostilité du roi parthe Osroa et surtout les souffrances d’amour dont est tissé le livret de Métastase. Et voici enfin, voulue par Max Emanuel Cencic, une intégrale qui rende justice au versant serio de Pergolèse, conciliant la véhémence héroïque et d'insensés prestiges vocaux (airs du prince Farnaspe, sur mesure pour le castrat Caffarelli) avec une tendresse intime, qui coule partout de source comme l’évidence sans apprêt de « Contento forse », repris par Stravinsky dans Pulcinella.
Ni le live florentin et bancal de 1985 (Bongiovanni) ni la production filmée à Jesi en 2010 (Opus Arte) n’offraient pareille pertinence: des chanteurs de premier ordre et soutenant leur caractère dans une conception de l'opéra seria autant dramatique que propice au lyrisme, un orchestre coloré à l’ancienne mais d'abord sanguin et unitif, un chef au geste franc. Le simple dialogue en récitatif est traité avec un zèle qui suspend l’auditeur aux rencontres d’Emirena, de son amant Farnaspe ou de son père Osroa. Ce dernier revient à Juan Sancho, remarquable par son grain et son feu (« Leon piagato »), mais qui chante trop par à‑coups ou sous pression pour incarner la majesté royale (air du I). Une distinction naturelle marque au contraire l’Adriano de Yuriy Mynenko, dans la commination de « Tutti nemici e rei » comme dans le tact amoureux. Le trille n’est pourtant pas son fort, quand ceux de Farnaspe convulsent étrangement. Les détracteurs de Franco Fagioli pourront trouver à redire à son entrée (redoutable « Sul mio core » !), non pour ses sauts de registre saisissants mais en raison d’aigus gloussés et de certains traits approximatifs (tempo trop précipité ?). La générosité éblouissante de l'interprète subjugue ensuite, de l'extase élégiaque avec hautbois, plus accomplie que dans l'hommage de Fagioli à Caffarelli (Naïve, 2012, cf no 617), à l'air de tempête à deux orchestres, inégalable de maîtrise musicale, d'étoffe et de pathos sans hystérie. Les moments glorieux ne viennent pas moins des deux princesses, idéalement contrastées. Romina Basso démontre à chaque intervention l'intelligence supérieure de sa manière: mezzo sain et caressant mais savant en clair‑obscur ; phrase plastique comme un voile et toujours variée, ornementation qui sculpte les affects avec les figures. Face aux affres d’Emirena, la belle âme de Sabina s'incarne dans le soprano rayonnant de Dilyara Idrisova, diligentissime (« Splenda per voi sereno ») mais digne servante d’un personnage dont elle rend le visage et le sourire ‑ on songe à Sandrine Piau. Superbe occasion, en somme, pour sentir l’esprit de Naples 1734.


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