Texte paru dans: / Appeared in: |
|
Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction ~ (Très approximatif) |
Analyste: Jean‑Philippe Grosperrin Loin d'être un opéra mineur sauvé par son Ouverture vertigineuse, qui retrace le « débrouillement » originel du Chaos, voilà un sommet du rococo, riche de ses divers trompe l'oeil. Les esprits courts n'y verront qu’une pastorale de plus, malgré ses atours de féerie orientale. Comme dans Issé de Destouches (son prototype), un dieu incognito veut éprouver la sincérité d'une tendre bergère, non sans cruauté: Zaïs lui‑même fait souffrir ce qu'il aime. Or les épreuves traversées par Zélidie, le renoncement final du souverain à sa divinité tiennent aussi au maçonnisme qui baigne l'aurore du prologue cosmique. La musique foisonnante de Rameau (remarquables choeurs avec solistes) profite enfin de la multiplication des danses, même pour les statues, et des tableaux surprenants qui caractérise le genre du « ballet héroïque » ‑ Zaïs en est explicitement un.
Devenu à peu près inaccessible, l'enregistrement pionnier de Gustav Leonhardt (1977, Stil) témoigne d'une interprétation qui paraît aujourd'hui trop précautionneuse ou figée (gare aux récitatifs ... ) mais qui a pour elle une intelligence précise de la grandeur, des bizarreries également, qu'on ne trouvera guère dans l'animation trop machinale que Christophe Rousset imprime au dernier acte ou à l'Ouverture, privant l'étrange tambour initial du coloris « voilé » que Rameau a prescrit. Les Talens Lyriques sonnent bien pourtant, sans s'attarder, mais l'art compassé du chef respire peu la volupté ou la noblesse songeuse, bridant le pouvoir fantasmatique de ces musiques et neutralisant parfois les caractères indiqués par le compositeur.
L’enregistrement séduit cependant
dans son ensemble, qui offre toute la partition remaniée en avril 1748, y
compris des numéros absents chez Leonhardt (entracte suivant le prologue,
ariettes conclusives des protagonistes), Il est vrai qu'on jouit ici d'une
distribution mieux qu'intéressante, secondée par un choeur docile et
volontaire. Si les limites ordinaires de Benoît Arnould ternissent l'acte Il
où il est censé incarner un aristocrate aux semelles de vent, Aimer, Lefèvre
est impérial en Oromazès. Les sublimes efflorescences du rôle‑titre destiné
à Jélyotte, leur délié mettent parfois Julian Prégardien à la peine mais sa
tendresse mâle, son éloquence, sa sensibilité mozartienne font mouche.
Gardienne d'une part de l'érotisme aérien ou pastoral de l'oeuvre, Amel
Brahim‑Djelloul enchante par les couleurs de son style ‑ tout le monde ne
veille pas comme elle aux ornements écrits. Honneur surtout à l'héroïque
bergère de Sandrine Piau, dont voici le premier grand rôle de Rameau au
disque (on rêve !). A la justesse sans défaut de la manière et de
l'expression, à une limpidité naïve, elle ajoute une profondeur sanguine,
une humanité qui portent autant le récitatif que la désolation de «
Coulez, mes yeux ». Zaïs est enfin de retour:
|
|
|
|
|
|
Cliquez l'un ou l'autre
bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD |