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Analyste: Laurent Marcinik Pour Angela Hewitt comme pour Zhu Xiao‑Mei, cette première confrontation avec L’Art de la fugue marque un aboutissement dans un parcours où la musique de Bach a été une boussole. Chez l'une et l'autre, la rencontre a été longtemps repoussée, redoutée même, et l'accouchement ne s'est pas faitt sans douleurs (correspondances troublantes dans les deux notices, remarquables par ailleurs).
Avec quinze minutes de moins au compteur, la version de Xiao‑Mei promet d'avoir plus de mouvement et de vie. Après une belle entrée en matière dans le Contrapunctus I, poignant et désespéré, évoquant selon les propres mots de la pianiste un choeur d'une Passion imaginaire, on déchante vite devant une lecture trop monochrome qui peine à soutenir l'intérêt, et ce en dépit d'un plan d'ensemble où les canons viennent interrompre de temps à autre la marche des contrapunctus. Fortement théâtralisées, les entrées des voix dans chaque fugue menacent à chaque fois de déséquilibrer l'ensemble. Avec un penchant affirmé pour les basses, la polyphonie se brouille trop souvent: Xiao‑Mei préfère ainsi canaliser notre attention sur tel ou tel détail plutôt que de nous placer au coeur des tensions polyphoniques.
Le Contrapunctus VIII résume tout ce qui sépare les deux femmes: au pas de charge pour Xiao‑Mei, avec des contrastes dynamiques dont on ne saisit pas trop la logique et un côté droit dans ses bottes souvent gênant, quand Hewitt prend son temps pour individualiser clairement chaque sujet (articulation toujours différenciée entre les sections thématiques, ce qui nous vaut par exemple un Contrapunctus XlV surprenant mais crânement défendu) et surtout faire chanter au mieux chaque partie.
La pianiste canadienne avoue avoir commencé son travail en chantant les voix les unes à la suite des autres pour y trouver à chaque fois points d'appui et respirations. Cela s’entend, et donne à l'ensemble une force, un naturel et une lisibilité de tous les instants. On pourra discuter certaines options, telle l'Ouverture à la française du Contrapunctus VI, avec des effets de décalage entre notes doublement pointées ou non, mais là encore, Hewitt suit sa logique et s'en défend. C'est bien à cette lecture à la fois analytique, fouillée et chantante que va notre préférence.
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