« Tu es sûr que c’est du Vivaldi, on dirait du Bach » me dit mon ami Jarek à l’écoute des premières mesures du CD enregistré par de grands connaisseurs de la musique de Bach, les musiciens composant l’ensemble baroque Café Zimmermann, et interprétant l’Estro Armonico op. 3, livre II de Vivaldi. C’est vraiment la curiosité de cet enregistrement et l’on se prend à rêver : comment ce chef-d’oeuvre parmi les chefs-d’oeuvre de Vivaldi a-t-il été joué par Bach et ses amis du Collegium Musicum, dans l’établissement tenu par Gottfried Zimmermann à Leipzig au XVIIe siècle ? Sans doute, cela devait bien ressembler à ce que nous écoutons. Non pas le soleil clair et lumineux de Venise ni son atmosphère festive, l’énergie et la passion, l’ivresse et les couleurs saturées qu’ont pu nous faire découvrir Fabio Biondi et l’Europa Galante (Virgin Classics), mais plutôt une « motorique bachienne », une très belle mécanique rigoureuse de grande précision, une lisibilité sans pareil où nous découvrons avec intérêt le contrepoint complexe si particulier de Vivaldi (Concertos nos. 7, 8, 9, 11). Cela explique d’ailleurs toute l’admiration sans bornes que portait au Prêtre roux Johann Sebastian Bach, qui alla jusqu’à transcrire six des douze concertos de cet opus. Alors, un CD pour rien ? Certainement pas. On y entend un Vivaldi grimé en Bach, avec un petit grain de folie certes (cf. Concertos nos. 10 et 12), joué par des musiciens d’une grande sûreté technique. Mais ne s’agit- il pas plutôt d’un Bach grimé en Vivaldi ? Il est vrai que les enregistrements de Bach manquent souvent de la joie de vivre d’un compositeur qui ne l’oublions pas, fut un bon vivant, père de 20 enfants et aimant la bonne table. Mais ceci est une autre histoire...

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