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Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction (Très approximatif) |
Analyste:
Gaëtan Naulleau Il y a six mois (cf. no 641), Hervé Niquet rouvrait un dossier crucial mais négligé par les interprètes : le choeur auquel Vivaldi a livré l'essentiel de sa musique sacrée. Par quel détour les jeunes orphelines, recueillies et instruites par l'hospice vénitien, pouvaient‑elles chanter des partitions qui se présentent pour sopranos, altos, ténors et basses ? A quoi ressemblait donc l'inusable Gloria RV 589 sans l'appui des voix d'hommes ? Dans son introduction à l'album de Niquet, Michael Talbot, ponte de la musicologie vivaldienne, plaidait pour une basse octaviée mais une ligne de ténor intacte : les deux confiées à des altos féminins auxquelles le diapason vénitien, plus aigu, facilite la tâche. Niquet, pourtant, octaviait basse et ténor, comme jadis Parrott (Virgin). Et ce n'était pas le seul problème d'une lecture sans demiteintes, plus agitée qu'ardente. Personne ne ferait un tel reproche à Geoffroy Jourdain et ses Cris de Paris ! Est‑ce parce qu'ils ont moins d'habitudes et de certitudes que les ensembles spécialisées qu'ils offrent à Vivaldi une expression aussi épanouie ? Tant de fraîcheur, et tant d'ampleur à la fois ! Leur sensibilité nous enchante de plage en plage, ou presque. Car le choix de partager les solos entre sept demoiselles sorties du rang apporte son lot de plaisirs et de bémoIs ‑ est‑il vraiment dans l'intérêt d'une mezzo au timbre si mince de mimer un Domine Deus expressionniste ? Dans le Gloria, Geoffroy Jourdain suit, à quelques exceptions près, les recommandations de Talbot. Il nous révèle une couleur étonnante. Un Vivaldi sans ténors ni basses serait‑il forcément plus mince et clair ? Les deux nouvelles parties d'alto, où ces dames n'hésitent pas à poitriner, donnent au contraire une profondeur onctueuse à la pâte chorale, aussi appréciable dans les versets musclés que dans l'Et in Terra Pax vaporeux. Très favorables aux basses, les voûtes d'Ambronay ont leur part dans cette opacité singulière qui prend ses distances avec notre culte moderne de la « transparence » et renvoie à l'art d'un Tiepolo ou d'un Titien. La beauté du résultat tient également à la complémentarité de la texture chorale et de la brillance orchestrale. L'exemple de Jourdain enrichit la démonstration de Talbot : plus d'une fois, nous pourrions jurer avoir entendu la basse chantée à la hauteur habituelle. Car notre oreille « fond » les mots dans la doublure grave des deux violoncelles, de la contrebasse et du basson. À découvert, le poitrinage de ces dames serait sans doute ingrat. Dans l'étoffe polyphonique, et rehaussé par l'orchestre et par l'acoustique, il fait merveille.
Dans le grand
Magnificat en sol mineur, Jourdain expérimente plusieurs systèmes de
doublures. Nous sommes plus réservés, comme dans ce premier verset dont le grand
aplat harmonique, mystérieux et mouvant, se voit dominé par la ligne octaviée et
zigzagante du ténor. Prenons plutôt ce Magnificat comme une
démonstration... a contrario, et applaudissons un projet utile, mûri,
senti, désormais incontournable pour la splendeur inédite du Gloria que vous
pensiez connaître. |
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