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Analyste: Ivan A. Alexandre Malibran ou Farinelli, Marcolini ou Carestini, la vogue du biorécital dédié à la voix éteinte d'un âge d'or rêvé nous entraîne presque toujours vers l'Italie. Or voici du neuf. En 1734, parut discrètement une jeune soprano bordelaise qui, dix ans plus tard, deviendrait la première chanteuse du royaume. Folie de Platée dès 1745, elle plut tant à Rameau que désormais ses principaux ouvrages lui seraient destinés ‑ et les anciens adaptés à cette voix « charmante, pure, argentine » (selon Benjamin de La Borde), « aussi touchante que sublime » (dixit le baron Grimm). Mademoiselle Fel chantera d'ailleurs tout à Paris jusque dans les années 1760. L'opéra comme le motet dans le cadre alors fêté par l'Europe entière du Concert spirituel, aux Tuileries. Ce dont la soprano britannique Carolyn Sampson et le chef Jeffrey Skidmore, tous deux habités par leur sujet depuis de longues années, ne nous cachent rien. Aux grandes pages de Castor & Pollux, des Surprises de l'Amour et de Platée («Amour, lance tes traits », les autres airs de la Folie figurant sur l'album « Règne Amour » enregistré par la même équipe en 2003) s'ajoutent en effet le Salve Regina pergolésien de son admirateur Jean‑Jacques Rousseau (elle sera aussi la première Colette du Devin du village), divers fragments de trois grands motets de Lalande, trois pages du vivaldiste Joseph Hector Fiocco et deux extraits du Venite, exsultemus de Mondonville ‑ notamment l'irréel « Venite, adoremus », perle de l'album. Autres merveilles: la scène de Vénus au prologue de Philomèle, tragédie fidèlement lullyste de Louis Lacoste créée en 1705 et dont la reprise de 1734 vit Mademoiselle Fel débuter sur les planches parisiennes ; mais aussi le bref « Gasouillats auzeléts » tiré de la pastorale languedocienne de Mondonville Daphnis & Alcimadure, gazouillis comme son titre l'indique, dans un style alors nouveau que Marie Fel avait appris de mademoiselle Somis, épouse italienne du peintre Van Loo. Amoureux inconditionnel de la musique française, Jeffrey Skidmore pourrait prendre quelques risques, varier ses accents, animer le « Tu rex gloriae » de Lalande, saisir le maigre théâtre que lui offre Rousseau dans sa bluette mariale («Ad te clamamus »). Beaucoup de goût et de réverbération, peu de nerf et de chair. Quant à la soliste, lui manquent toujours l'art du,récit, le ton des mots ‑ ici décor plutôt qu'acteurs. Mais pour le phrasé, la musicalité, l'ornementation, Carolyn Sampson ne craint personne. « Charmante, pure, argentine », c'est bien elle. |
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