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Gordon Blennemann Les récitals de la jeune Ruby Hughes et de sa collègue Martina Jankova nous donnent occasion de saluer la liberté de choix esthétique désormais admise dans l’interprétation de la musique vocale baroque. Loin des corsets dogmatiques, les deux sopranos abordent ces oeuvres phares du répertoire afin d’en dresser des bouquets d’allure très personnelle, et opposée. Pour filer la métaphore : si Hughes contemple avec nous la beauté recueillie et parfois austère d’une fleur des champs, Jankova nous captive avec des roses généreuses en couleurs et en parfums. Enregistrés en concert, les deux programmes se croisent sur le doloriste Ich habe genug (dans la version de 1731 pour soprano et flûte, nettement plus rare au disque que celle pour basse et hautbois, immortalisée jadis par Hans Hotter). La soprano anglaise privilégie l’unité dans l’affect. Elle aborde, avec Ich habe genug et Mein Herze schwimmt im Blut, deux des cantates les plus sombres de Bach avec son chant limpide mais fruité - déjà salué, il y a quelques mois, dans l’album Dow de Thomas Dunford (Alpha). L’air final d’Ich habe genug prend une allure étrangement candide (« Ich freue mich auf meinen Tod », quand même..), mais sans niaiserie boyish. Pour l’ardeur suicidaire, on restera fidèle (côté dames) a Janet Baker malgré son accompagnement pataud (Emi). Ici, les cordes de Musica Saeculorum, superbement menées par Kati Debretzeni, soutiennent généreusement les états d’âme et participent à un moment de grâce, l’air central de la BWV 199. Le programme plus contrasté de Jankova entoure la BWV 82a de la cantate de mariage BWV2O2 (Weichet nur, betrübte Schatten) et de l’incontournable Jauchzet Gott avec trompette obligée. Là où Hughes intériorise l’émotion parfois au risque de trop s’effacer, Jankova, actrice-née (et sans cesse applaudie à Zurich) proclame les peines et les joies de l’être humain, terrestres (BWV 202) comme célestes (BWV 51). Dans la BWV 82a, elle propose une véritable incarnation d’un croyant en chair et en os. L’exubérance théâtrale nous semble moins pertinente dans Jauchzet Gott, étant donné que Bach impose à la voix une écriture instrumentale, en miroir de la partie pour trompette solo (belle prestation de Jaroslav Roucek). Vaclav Luks et son ardent Collegium 1704 soulignent la variété des caractères : en les écoutant, on imagine ce que Bach aurait peut-être composé s’il avait pris le poste d’organiste à St. Jacobi d’Hambourg en 1720, fonction qui l’aurait certainement amené à collaborer avec le fameux Opéra du Gänsemarkt. |
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