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Analyste:
Gaëtan Naulleau Il est grand temps d’écrire quelques lignes sur un album que nous laissons de côté depuis des semaines en attendant de savoir quoi en penser. L’admiration le dispute à la rapide lassitude, ce qui est de mauvaise augure dans une musique aussi forte et singulière que celle de Matthias Weckmann, figure marquante de la génération d’après Schütz. Une dernière écoute nous laisse à nouveau sous le charme de la pâte sonore du Ricercar Consort, tout à son affaire dans les mélanges de deux ou trois violons avec autant de violes (effectif fréquent chez Weckmann comme chez ses collègues dans le Nord de l’Allemagne). A leur somptueuse gravité s’ajoute non pas l’habituel orgue « positif » mais un instrument conséquent, qui renforce encore la profondeur de la texture et permet de mesurer l’habileté de Maud Gratton aux claviers (sur une telle monture, un continuo flegmatique plomberait l’ensemble). La section en fanfares de Weine nicht (à partir de 7’ 22”) est une splendeur ; l’opulente majesté de deux pièces d’orgue s’inscrit dans la continuité des cantates. Weckmann en laisse douze, toutes gravées par le même ensemble en 1992. Pierlot en retient cette fois la moitié, dont les quatre chefs-d’oeuvre tourmentés de 1663. Le texte de présentation nous rappelle avec insistance que le compositeur perdait cette année-là et la suivante la plupart de ses proches, décimés par la peste de Hambourg. Mais la détresse qui transparaissait dans l’album de Cantus Cölln (HM, Diapason d’or) et dans l’inoubliable Wie liegt die Stadt so wüste de Reinhard Goebel (Archiv, à rééditer) ne filtre guère à travers l’étoffe épaisse du Ricercar Consort. Dans la déchirante introduction de Zion spricht, Cantus Cölln exacerbe les ruptures de ton, suspensions, progressions : rien de tout cela n’échappe à l’oeil de Pierlot, mais il revoit les effets à la baisse. Maria Keohane - timbre de toute beauté - donne désespérément peu de poids aux mots de Wie liegt die Stadt so wüste, une des pages plus sombres du XVlle siècle allemand, élaborée à partir des Lamentations de Jérémie. Le soigneux Stephan MacLeod lui répond sans la grandeur tendre de Benoît Arnould dans le bel enregistrement des Cyclopes (Zig-Zag Territoires) ni l’émotion du fantastique Michael Schopper (avec Goebel). A l’inverse, pourquoi veut-il jouer les gros bras, qu’il n’a pas, dans Kommet heer zu mir ? Certes fatigué, Max Van Egmond était beaucoup plus convaincant, en 1992, par l’élégance apaisante de son invitation céleste (« Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos ») Que nous disent les voix au début de Herr, wenn ich nur dich habe (« Seigneur, si je n’avais que toi ») ? L’urgence de l’exhortation ? La confiance ? La pénitence? La tendresse ? Tout à moitié, sans profiter de l’effet d’accumulation des six mots brefs répétés en boucle. On ressort le double album de 1992 avec curiosité : l’étoffe plus légère s’accordait mieux à un tel propos. Oui, la mariée est trop belle. |
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