Analyste: Philippe Venturini
CHARPENTIER SORT DU MARAIS
Sébastien Daucé et l’ensemble Correspondances ressuscitent trois motets de
Marc-Antoine Charpentier, ou se côtoient ferveur, majesté et sensibilité.
Marie de Lorraine, dite Mademoiselle de Guise, disposait en son hôtel de la
rue du Chaume à Paris (partie de l’actuel hôtel de Clisson, siège des
Archives nationales) d’un ensemble fort réputé d’une quinzaine de musiciens.
C’est à son intention que Charpentier composa de la musique sacrée, telle
celle du présent programme, et profane (Actéon, Les Artsflorissants, La
Descente d’Orphée aux enfers). Les trois motets retenus entre lesquels
se glissent deux pages purement instrumentales, l’Antienne H. 526 et
l’Ouverture H. 536, se destinent à six voix, trois féminines et trois
masculines. Charpentier se plaît alors à multiplier les combinaisons tant
pour servir le texte que pour flatter l’oreille. Une des qualités de cet
enregistrement est de mettre en valeur, sans pour cela forcer le trait,
cette écriture polyphonique. Il suffit d’écouter la succession des versets «
Quoniam iniquitates » à quatre parties, trois dessus et une
haute-contre, et « Tibi soli peccavi » à voix seule de dessus du
Miserere H. 193 pour s’en convaincre. Non seulement la lisibilité du
premier reste absolue mais encore l’élaboration de la construction du second
(fragments mélodiques partagés entre la voix et les violons) se suit avec
clarté tout comme la conclusion fuguée pourtant menée avec détermination.
L’attitude doucement orante, le ton recueilli et l’inspiration constante des
Litanies de la Vierge H. 83 justifient sa présence dans le titre du
disque comme en fin de programme. Au dolorisme du Miserere si bien
exprimé par l’Ensemble Correspondances succèdent la tendre dévotion et
l’énumération des qualités mystiques de la mère du Christ que couronne un
Agnus Dei aux ombres caravagesques.
Si ce premier
enregistrement de Sébastien Daucé ne fait pas oublier son prédécesseur
William Christie chez le même éditeur (HM) ou Jean Tubéry (Virgin) et Hervé
Niquet (Naxos) il confirme, après un précédent « Choc » (ZZT), leur
incontestable intelligence de la musique de Marc-Antoine Charpentier où se
côtoient majesté et sensibilité.
Fermer la fenêtre/Close window |