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Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction (Très approximatif) |
Analyste:
Philippe Ramin Aborder une nouvelle pierre de l'édifice Scarlatti/Hantaï c'est accepter de nouvelles règles du jeu, une distribution des cartes différente de la chronologie officielle établie par Ralph Kirkpatrick (et largement inspirée du manuscrit de Venise). Cette part subjective dans la construction du récital renouvelle les habitudes d'écoute, fait voisiner les caractères et les techniques d'écriture de différentes périodes créatrices. On y entend à nouveau le clavecin construit par Jonte Knif d'après des modèles allemands. Sa longueur de son, son timbre point trop brillant et la nette opposition des deux claviers soutiennent le cantabile dans le style de Cimarosa (Sonate K 277) ou les joutes de la K 28 en mi. Le centre de gravité de l'instrument, qui privilégie de solides fondamentales, apporte une dimension orchestrale ; et dans le même temps, les plans sonores sont plus clairs qu'avec un clavecin français bruissant d'harmoniques, et plus sensuels qu'avec un italien à la projection rapide mais plus univoque. Ainsi les motifs restent transparents jusque dans le grave, la K 124 illustrant cette opposition entre le thème espagnol soutenu par des accords obstinés et ce voile fusant d'arpèges qui balaient tout le clavier.
L’essentiel du programme explore
différentes facettes d'une mélancolie propre à Scarlatti, là où son génie
préfigure à la fois les premiers romantiques et Brahms. Polyphonie en petits
mouvements alternés (la K 87 en si mineur, « gris centre » pour
Landowska), rythme pointé dont Hantaï évite avec soin de souligner le
systématisme (K 238), cellule ingénieuse en broderie alternant avec les
notes répétées d'une mandoline (KV 211 si chère à Scott Ross dans ses
récitals), autant d'ingrédients qui ne sont pour Hantaï qu'un point d'envol
pour l'imagination. Un îlot de sonates en mi bémol présente des figures de style
chères au Napolitain : humour flegmatique (K 475), fières castagnettes (K
252), cors de chasse (K 253). Dominant de très haut toutes ces
particularités d'écriture, Pierre Hantaï ne cesse pas de réinventer un
vocabulaire du clavecin qui doit sans doute beaucoup à sa profonde connaissance
des grands pianistes du passé et de la musique du XIXe siècle en général.
L’humour, la tendresse, la fierté arrogante ou le mystère, le partage avec
l'auditeur qui règne ici dépassent de loin les règles du jeu des clavecinistes
bien tempérés. |
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