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Diapason # 648 (07-08/2016)
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Encelade
ECL1402




Appréciation d'ensemble:

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Analyste: Gaëtan Naulleau

Au début des années 1730, une claveciniste non profession­nelle, mais assez avancée, confie dans une lettre son étonnement : elle découvre les Partitas de Bach, qu'elle apprécie et admire, mais à chaque page, quelle jungle pour l’oeil et pour la main ! Impossible de s'y frayer un chemin en les jouant « à première vue ». Son témoignage ouvre une fenêtre pré­cieuse sur les pratiques à l'époque. Une édition comme les Partitas ou­trepasse les attentes des mélomanes, qui trouvent plus facilement leur compte dans les recueils d'un Johann Caspar Ferdinand Fischer. En 1736, les sept Suites (une pour chaque muse) de son Musicalischer Parnassus les flattent avec des danses à la fois brèves et variées, une écriture faisant chanter et sonner l'instrument à peu de frais, des idées franches nuancées avec une belle éloquence. Soit un maximum d'effet pour un minimum de moyens. Gustav Leonhardt, qui connaissait toutes les astuces pour optimiser le temps de préparation d'un concert, ne manquait pas d'y glisser souvent (indifféremment à l'orgue ou au clavecin) une chaconne ou une passacaille de Fischer.

Elisabeth Joyé en présente quatre dans un album dont la Chaconne mi­niature de Melpomene, tendre et mélancolique, pourrait être l'emblème. A l'inverse, Mitzi Meyerson prenait le parti d'une interprétation théâtrale, livre d'images hautes en couleur (MDG). Discutables, ses artifices et ses poses avaient l'avantage d'être « phonogéniques » dans une parti­tion qui, par sa modestie bienveillante, l'est peu. Joyé, qui s'adresse moins à notre imagination, garde l’oeil plus près du texte. Elle nous invite chez elle et parle comme à des amis ‑ dimension accentuée par une prise de son sans profondeur. D'une plage à l'autre, nous sommes touchés par le ton de confidence, enchantés par l'élégance de la diction dans un air varié, frustrés, dans les danses rapides, par un geste plus soucieux d'accents légers que de panache. Une expres­sion si sensible supporterait un rubato moins parcimonieux.

Le clavecin de Philippe Humeau (d'après Fleischer 1720) fait place à l'orgue pour le derniers tiers de l'al­bum. Nous y découvrons quatre des vingt préludes et fugues publiés dans l'Ariadne Musica ‑ recueil de 1702, célèbre pour avoir servi de modèle au Clavier bien tempéré. À l'orgue, le toucher délicat d'Elisabeth Joyé gagne un rayonnement supérieur - et nous laisse penser que les micros n'étaient pas pour rien dans I'impres­sion, au clavecin, d'un jeu manquant parfois envergure. La fin de l'album est joliment conduite. L’ample et bril­lante Chaconne d'Euterpe semble poser une conclusion solennelle mais un Ricercar nous ramène, toujours à l'orgue, sur un terrain plus introspec­tif où le clavecin aura le dernier mot, intime.


 

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