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Diapason # 637 (07-08/2015)
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Decca 4788194



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Analyste: Sophie Roughol

Conçu pour Rome dans l'esthétique napolitaine virtuose incarnée pal Vinci, créé par des chanteurs masculins comme l'exigeait la papauté, dédié aujourd'hui par la rumeur publique à la gloire des contre-ténors et du travestissement: Catone in Utica surfe sur le succès d’Artaserse, du même Vinci, gravé en 2011 par une équipe similaire (Virgin, cf. no 607), puis à l'honneur d'un spectacle extravagant et subtil. Le défilé de contre‑ténors est bien au rendez‑vous, mais cette fois, l'un des deux héros est ténor ‑ Catone prend la voix de Juan Sancho.

 

En janvier 1728 (deux ans avant Artaserse), Métastase et Vinci l'ont échappé belle : une contrariété du pape a entraîné l'annulation des festivités du carnaval... sauf Catone in Utica dédié à la grande‑duchesse de Toscane, de passage. Teinté de diplomatie entre empire habsbourgeois, cités italiennes et papauté, le livret du grand Métastase narre la victoire de César, héros promis à la tyrannie, contre Catone, vertueux trop obstiné. C'est le triomphe de la Rome impériale contre la vieille République. Intrigues parallèles de rigueur : Marzia, fille de Catone, promise à Arbace le lieutenant fidèle, est amoureuse de l'ennemi César ; un agent double (mais pas tant que ça, Fulvio) et une veuve vengeresse (Emilia) pimentent le duel principal. Métastase se surpasse. Le personnage de Catone, vertu austère et intransigeance fatale, est admirable, on se régale à lire le grand dialogue Catone/César à l'acte Il.

 

Métastase ménage des gradations dramatiques subtiles rythmées par l'opposition frontale des deux héros. Vinci y puise de quoi briser la rigidité des conventions: constructions harmoniques mouvantes, flamboyance lyrique. Par leur grande intensité dramatique, les récitatifs préfigurent ceux d’Artaserse. On retient également de beaux accompagnatos dans le troisième acte (« Pur veggo alfine un raggio » de Marzia, mort de Catone), un quatuor vocal étincelant, des arias agitatas modèles du genre (« Dovea svenarti » de Catone, « Confusa, smarrita » de Marzia), des cantabiles généreux.

 

Comme on aurait aimé que l'enregistrement soit réalisé après l'expérience de la scène (une production tourne cet été), et non comme sa répétition générale! La loi du marché le veut ainsi, et nous laisse comme pour le disque d’Artaserse ‑ partagé entre l'enthousiasme de la découverte, le niveau élevé de la réalisation d'une part, et des airs ou des scènes moins clairement construits chez certains solistes que chez d'autres.

 

On n'appréciera pas forcément le sopraniste Vince Yi, mais force est de constater que l'acrobate colle à merveille au personnage d'Emilia, comme le ténor mozartien Mitterrutzner à Flavio. Si un magma imprécis tient lieu de texte à Fagioli, si son trille s'élargit dangereusement, comment ne pas fondre, en revanche, devant ce cantabile liquoreux (« Quell'amor che poco accende »), l'insolence des airs de bravoure, à l'unisson des cors ou trompettes d'un Pomo d'Oro rutilant (« Soffre talor del vento » ou « Se in campo armato ») ? Moins de narcissisme, plus d'intégrité, radieuse et nuancée, chez Valer Sabadus (« In che toffende »). Toutefois, c'est à nouveau Cencic qui domine le plateau par son intelligence perfectionniste. L'engagement dramatique et vocal de Juan Sancho est servi par une tessiture princière et une intonation à l'avenant. Jusqu'alors voué aux rôles secondaires dans les productions baroques, il gagne ici ses galons de héros.

 

 

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