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Diapason # 637 (07-08/2015)
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Challenge Classics
CC72661




Code-barres / Barcode : 0608917266122

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Analyste: Gaëtan Nalleau

Christoph Spering révélait en 1992 (Opus 111) la Passion selon saint Matthieu retaillée par un Mendelssohn de vingt ans, en 1829. Le jeune homme n'était pas le premier à défendre les beautés de Bach, mais l'exhumation et l'appréciation des musiques anciennes prenaient un nouveau tournant avec cet événement berlinois salué par les grands esprits de l'époque. La partition enregistrée par Spering, avec beaucoup de caractère, nous montre Mendelssohn partagé entre le credo d'un « respect absolu » de l'oeuvre et le pragmatisme des retouches, qui introduisaient notamment des clarinettes, et élaguaient un bon quart de l'original pour la rendre accessible au public des salles de concert, disait‑il. On comprend aussi, en voyant dix airs et cinq chorals passer à la trappe, sa volonté de donner un contour plus dramatique au tableau de la Passion.

 

Diego Fasolis présentait en 1995 (Assai) la deuxième révision de Mendelssohn, que Jan Willem De Vriend enregistrait à son tour en concert l'an dernier. En 1841, Mendelssohn dirigeait à Saint‑Thomas de Leipzig une partition moins élaguée, et restituait notamment quatre airs. Toujours pas « Sehet Jesus hat die Hand » après « Ach Golgotha »: terrible incompréhension d'un clair‑obscur essentiel, de la plaque tournante de l'exégèse chez Bach. Mais voyons aussi ce qu'il ajoute. Quand il indique çà et là un crescendo, un decrescendo, est‑ce une déviation romantique, est‑ce au contraire la notation d'un effet naturel au temps de Bach, dont Mendelssohn avait conscience mais qui n'allait pas de soi pour ses musiciens ?

 

Jan Willem De Vriend, avec un choeur de taille moyenne, ne prend pas parti. il ne fait pencher la balance ni vers la pompe et le lyrisme de l'oratorio romantique, ni vers un baroque tardif (comme Spering). S'il connaît tous les codes « historiquement informés », il veille surtout à maintenir avec l’orchestre néerlandais et une distribution modeste mais assurée une tension égale au fil du récit‑ Mendelssohn lui facilite la tâche. L'accompagnement des récitatifs par deux violoncelles en doubles‑cordes (seuls en1829, soutenus par une contrebasse en 1841) élargit une palette utile sous l'Evangéliste énergique et vocalement tendu de Jörg Dürmüller.

 

Vous conseiller le disque? Moins pour la curiosité de cette « version 1841 que pour une soprano que nous avons admirée plus d'une fois dans l’opéra baroque français, mais jamais entendue jusqu'ici chez Bach. Judith Van Wanroij ‑ peut‑être stimulée par l’idée d'une Passion au siècle de Beethoven ‑ clame ses airs avec une force de caractère et une ampleur de ligne dont ses collègues nous gratifient rarement chez Bach. Mendelssohn la sert généreusement : il rétablissait en 1841 « Blute nur » et « Aus Liebe » et confiait à la soprano, comme en 1829, « Buss und Reu » et « L’Erbarme dich » d'alto. Dans ce dernier air, les arabesques pénitentielles amplifiées vers l'aigu montrent moins les licences de Mendelssohn que son intelligence supérieure de la création de Bach.

 

 

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