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Outil de traduction ~ (Très approximatif) |
Analyste: Jean‑Philippe Grosperrin Tancrède enfin! Guerre acharnée (des croisades, des passions), enchantements et fausse paix, douleur pour tous ‑ le beau livret de Danchet s'inspire du Tasse pour représenter les clairs‑obscurs d'une « gloire inhumaine ». A ce théâtre de mélancolie autant que de magie, Campra apportait en 1702 son lyrisme majeur, son orchestre inventif, le pari de coloris sombres : aucun ténor chez les belligérants, et pour Clorinde (rôle capital) une voix grave, celle de la fameuse Mlle Maupin. Pour ce trésor, régulièrement joué jusqu'à la mort de Rameau, la carence discographique était patente, malgré les beautés du disque de Jean‑Claude Malgoire (Erato, live du Festival d’Aix), inégal et tronqué.
Restituant Ies vingt‑cinq minutes manquantes, la nouvelle version est aussi l'écho d'un spectacle, celui réglé avec un grand tact par Vincent Tavernier à Avignon puis Versailles (cf. no 625). La réussite est d'abord celle d'une équipe bien préparée, éloquente, ardente à servir Campra. On savoure le zèle des Chantres du Centre de musique baroque de Versailles, la musicalité des silhouettes (Anne‑Marie Beaudette en tête). Dès la scène des tombeaux, Alain Buet et Eric Martin‑Bonnet surgissent impérieux. Chantal Santon s'attache moins au caractère et son beau timbre caressant lui tient parfois lieu de verbe, mais son Herminie, entre élégie et danger, contraste bien avec les aspérités d'Isabelle Druet.
Celle‑ci a beau manquer vocalement d'étoffe, elle convainc de plus en plus par une interprétation fondée sur l'acuité et la finesse des mots : une Clorinde fière et inquiète grande figure. « Diffère un moment » est enfin intégral, et sa mort en scène (alternative de celle d’Argant, retenue par Malgoire) captive par sa nudité. Distingué, attentif, Benoît Arnould peine à incarner un héros taillé pour la voix longue et sonore de Thévenard. Passe pour l'acte II, mais « Sombres forêts » chancelle (phrasé en berne, voyelles délavées par l'émission) et son désespoir final le laisse très loin de François Le Roux chez Malgoire.
Le vrai protagoniste, en vérité, c'est l'orchestre Les Temps présents que dirige Olivier Schneebeli. Depuis quand n'a‑t‑on pas joui d'un tel régal dans un opéra Louis XIV ? Assise, articulation, plasticité, science des couleurs, du généreux avec du suggestif. On ouvre grand l'éventail des phrases (jamais sèches), des climats, des sucs pour ainsi dire. La tragédie est assumée, mais dès le prologue (une fête), la tension épouse le galbe. Dessin porteur des cordes, poésie des vents (flûtes d'Herminie, arbres enchantés), sensualité des préludes, inquiétante ambiguïté de la bergerie du III, éclat des mystères, plénitude et stupeur: voilà Campra. « Le plaisir vous appelle / Il faut l'écouter. »
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