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Analyste: Jean‑François Lattarico Reflet des représentations d’Aix‑en‑Provence qui enchantèrent le Théâtre du jeu de Paume l'été dernier, cette Elena inédite de Cavalli était attendue avec impatience… Nous avions apprécié, à la création, l'homogénéité de la lecture qui avait révélé au public une partition foisonnante, l'une des plus riches et séduisantes du maître vénitien. Représenté en 1659, juste avant le départ de Cavalli pour Paris, Elena est le dernier chef‑d’oeuvre de la « prima pratica » du compositeur, avant qu'il ne succombe aux sirènes « bel cantistes » qui caractérisent ses dernières productions, et que l'on pressent dans cette oeuvre riche en coloratures. Fort d'un livret magistral (de Faustini, complété par Minato), Cavalli égrène toute la gamme des affetti, avec un sens du théâtre que peu de partitions du Seicento ont su exploiter. Si le comique y est plus présent encore que dans les grands chefs‑d’oeuvre désormais consacrés (Poppea ou Calisto), le mélange des genres reste la marque de ce répertoire, qui nous vaut ici les pathétiques et déchirants lamentos d'Ippolita, les sensuels duos d'Elena et Menelao, ou les facéties désenchantées d'Iro, interrogeant avec dérision notre fragile humanité. Pour redonner vie à cette partition oubliée, Alarcon a réuni une distribution sans faille: Emöke Barath rayonne de beauté et de grâce, Valer Barna‑Sabadus a le physique et la voix de l'emploi, tout comme l'irrésistible Emiliano Gonzalez‑Toro, comédien hors pair; même les rôles secondaires sont somptueusement distribués (Mariana Flores, impériale), et si le chant de Rodrigo Ferreira semble parfois un peu (trop) tendu, tous rendent justice, par une diction et un engagement dramatique irréprochables, à ce théâtre des sens. La lecture
sobrement linéaire de Jean‑Yves Ruf a le grand mérite de rendre
immédiatement lisible une intrigue comme à l'accoutumée complexe. Le
dispositif unique en bois, aux couleurs chaudes, évoque tout à la fois le
théâtre du globe shakespearien, avec lequel l'opéra vénitien présente de
troublantes accointances, et l'arène du combat que se livrent les deux
protagonistes puis la quasi‑totalité des personnages. L’élégance des
costumes et l'intelligence de la captation ‑ dont les plans rapprochés sur
les interprètes soulignent l'effet pathétique d'une déclamation toujours
juste ‑ participent aussi à la réussite exemplaire de cet enregistrement. |
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