Analyste: Jérémie Bigorie
PASSEUR
DE MUSIQUES
Stéphanie de Failly rend à la musique des Vitali une lumière nouvelle,
reliant les compositions de Tomaso Antonio à celles de son père Giovanni
Battista.
Passage: tel pourrait être l’intitulé de ce disque : passage du
flambeau, entre le père et le fils ; passage de la fin du baroque au début
du classicisme ; passage, enfin, de la fameuse Chaconne de Tomaso Antonio
Vitali (1663-1745) dans son jus original, tel que le manuscrit de Dresde
nous la donne à entendre. Mettant de côté l’avatar romantique dû à l’édition
de Ferdinand David (1860) sur laquelle les violonistes peu scrupuleux
portent leur dévolu, Stéphanie de Failly (équipée d’un Maggini de 1620) fait
le pari de l’authenticité, explorant par la même occasion des chemins de
traverse. Qu’on ne s’y trompe pas : point de petit son ici. Au contraire, le
dialogue avec un orgue de tribune invite à la recherche d’une texture riche,
bien que la violoniste, fine musicienne avant tout, privilégie les phrasés
amples, sans chercher à appuyer les rencontres harmoniques dissonantes dont
la partition regorge. On peut rêver interprétation plus flamboyante, mais
pas plus intègre. Les dix courtes pièces signées Giovanni Battista, elles,
s’inscrivent dans la tradition du folklore italien, oscillant entre
mouvements de danses et morceaux plus sérieux à la manière de Corelli. De
conserve avec un accompagnement inventif (soutien rythmé de la percussion),
le violon se fait moins policé; plutôt espiègle dans sa pratique des
diminutions. Mais c’est surtout la musique du fils et son labyrinthe
harmonique qui nous hantera, telle cette courte Ciaconna (petite soeur de
l’autre) et ses modulations d’une grande audace que le violon épouse en
glissant de trille en trille. Stéphanie de Failly, jamais ostentatoire, et
l’Ensemble Clematis, emprunts d’une joyeuse folie, signent là leur meilleur
disque..
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