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David Fiala Une sainte, en son aureole Sus aux plaisanteries sur « Hildegard von bingo », qui valait au disque classique un best-seller inattendu au milieu des années 1990. La moniale, honorée par le dernier volume d’une lente intégrale, compte désormais parmi les saintes. O Hildegarde, enfin sainte! Avec ce huitième et dernier volume (dont tous les chants s’ouvrent par l’exclamation « O ! »), les voix féminines de Sequentia achèvent la gravure discographique de l’oeuvre musical complet de l’abbesse rhénane contemporaine de Bernard de Clairvaux, Pierre Abélard et l’abbé Suger. Pour mémoire, l’aventure commençait voici trente ans et fut marquée par l’incroyable succès du deuxième volet de la série, ces « Cantiques de l’extase » vendus à un million d’exemplaires à travers le monde, au milieu des années 1990. En 2012, le Vatican a élevé au rang de « sainte et docteure de 1’Eglise » l’abbesse bénédictine, reconnue non seulement pour son inspiration musicale mais aussi pour ses visions poétiques et sa science théologique. CIEL ET TERRE Dans le vaste répertoire anonyme qu’est le chant monodique de l’Eglise médiévale (le plain- chant ou chant « grégorien »), il faut avouer que l’apparition d’une personnalité poétique et musicale aussi forte (féminine, qui plus est) que celle d’Hildegarde fut un événement : reconnaissables entre toutes, ses mélodies s’élèvent en deux ou trois sauts jusqu’à des hauteurs inaccoutumées dans les répertoires courants, voire invraisemblables, avant de redescendre par paliers en fluides cascades. Les ambitus de deux octaves et demie ne sont pas rares ; la dernière plage, O vos Angeli, en administre un exemple saisissant. Barbara Stühlmeyer, qui signe l’introduction, est tentée de voir dans ses amples mélismes « un miroir reflétant l’écart entre le ciel et la terre ». A l’instar de ce flot musical, la poésie enthousiaste de la sainte dit la foi et la théologie avec une fraîcheur, un exotisme fascinants pour notre vieux continent chrétien (« Ô vivante lumière, ô Anges pleins de gloire ! Au-dessous de Dieu, dans des désirs ardents, Et dans l’obscurité mystique de toute la Création, Vous regardez les yeux divins, Et jamais vous ne pouvez en être rassasiés. ») Ce dernier volume revisite le panthéon chrétien (la « hiérarchie céleste ») depuis les prophètes de l’Ancien testament jusqu’à la Vierge et Jean l’Evangéliste. Avec sept chanteuses expertes et soudées, Benjamin Bagby évoque la portée liturgique de cette musique. Il réduit en conséquence les soutiens instrumentaux (parfois profus dans les récitals antérieurs) à quelques lignes de flûte et de harpe, et replace ces chants exubérants dans le cadre qui les faisait alterner, dans un temps élargi, avec les psalmodies communes du Magnificat ou de la doxologie (Gloria Patri). Après un coffret minimaliste regroupant les sept premiers récitals (cf n° 597), voici la digne apothéose que méritait la seule femme à être devenue, en quelques années, à la fois star planétaire du disque et docteur de l’Eglise. |
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