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Gaëtan Naulleau Frieder Bernius a donc remis sur le métier les motets de Bach, retour aux sources attendu pour l’un des plus grands chefs de choeur de notre temps, mais périlleux après une réalisation aussi accomplie que l’album de 1989 (Sony, Diapason d’or). Au fil des ans, nous l’aurons régulièrement ressorti pour y mesurer les nouvelles versions, pour le plaisir, pour la discographie comparée du Jesu meine Freude, qui le trouvait en bonne place dans le quarté gagnant (cf. n°605). Et pourtant nous n’aurions pas deviné à l’aveugle qu’un même chef signait l’album Carus. Ce n’est pas seulement la suppression de doublures instrumentales (la traditionnelle opposition cordes-bois dans les quatre motets à double choeur) qui la distingue, c’est avant tout le geste musical plus abstrait, plus formel. Evolution évidente au début de Komm, Jesu, komm: les ruptures de ton et de couleur entre les deux choeurs ont fait place à de longues progressions homogènes, le mot se fond dans un large geste harmonique. Dans Der Geist, l’accent effleuré plus que prononcé par les sopranos trouve un bel équilibre avec la pâte splendide de voix intermédiaires. Bernius dose en maître ses effets subtils et ses textures, équilibre les tensions de l’oeuvre à travers un allègement virtuose. L’effet réussit moins au Fürchte dich nicht (nettement plus éloquent et plus ferme en 1989). Et moins encore au Lobet den Herrn, ce mouvement isolé que Bernius laissait hier de côté ; les arpèges trompettants du chant de louanges, à trop vouloir s’assouplir, s’amolissent. Le contrepoint s’aplanit. Sans doute la prise de son participe-t-elle à notre impression. Celle de 1989 n’était certes pas idéale. Celle-ci est pire. Les micros sont placés beaucoup trop loin, on perd à cette distance tout contact avec la « chair » polyphonique des motets au profit d’une image harmonique lisse. Il faut croire que Bernius n’a pas été trahi par les ingénieurs. Perfectionniste (il réalise lui-même les plans de montage), il aura certainement désiré cet effet. L’équilibre du Jesu meine Freude témoigne d’une longue maturation, mais aussi d’une vision trop « panoramique » pour être expressive dans l’instant. Des solistes seulement corrects ne risquent pas de nous faire oublier le chef-d’oeuvre de 1989. Reste une perle, le Ich lasse dicht nicht BWVAnh 159 (absent du premier programme), où la pudeur et l’équilibre de Bernius offrent une belle alternative a la tendresse plus sophistiquée de Gardiner (SDG, Diapason d’or, cf. 604). |
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