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Analyste:
Jean‑Philippe Grosperrin
La
jeune carrière de Julie Boulianne, qui fréquente notamment l'opéra du XVIII
siècle et la musique française (de Berlioz à Poulenc) est déjà documentée au
disque par plusieurs enregistrements. Le précédent en 2014 (même chef, même
éditeur) faisait écho au Londres de Porpora et Handel, avec Serse et les
deux tubes d'Ariodante, dont le nouvel album offre les airs du premier
acte. Un tiers des airs revient ici à Vivaldi. L’air éponyme extrait de La
fida ninfa expose d'emblée les qualités de ce chant, confortable
(homogénéité et rondeur, plénitude d'un timbre individuel aux couleurs saturées,
assise, souffle aisé) mais aussi les défauts : uniformité, élocution trop floue,
vocalise sans véritable direction expressive.
« Sovvente il sole», cette merveille d’Andromeda liberata, file
droit à un tempo allant, plasticité limitée, un peu terre à terre, imagination
absentée ‑ pour le chatoiement, le mystère, la rêverie, le clair‑obscur, retour
à Max Emanuel Cencic dans l'intégrale Archiv.
Mêmes effets pour
Handel. Ariodante est sans visage ni frémissement, consonnes gommées, mélismes
qui ne disent rien, et le « Cara speme » de Sesto respire une assurance
cossue, mais jamais le doute ou l'expectative, un continuo pesant achevant de
figer la figure. Si cette égalité généralisée va mieux au lyrisme de « Lascia
chio pianga », le verbe et l'affect restent neutres, et encore pour « Se
potessero » d'Imeneo. L’écoute ne donne jamais le sentiment qu'un personnage
appelle, fait signe à l'auditeur. Orchestre alerte mais rectiligne lui aussi,
sans histoire en somme.
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