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Diapason # 646 (05/2016)
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Glossa 
GCDP32110



Code-barres / Barcode : 8424562321106

Appréciation d'ensemble:

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Analyste: David Fiala

S’accoutumera-t-on à la radicalité sonare de Graindelavoix et à son usage décomplexé des techniques vocales traditionnelles de l’Europe du Sud ? Une chose est sûre, le groupe anversois creuse son sillon et chaque nouvelle parution nous éloigne un peu plus de la stupeur qui avait saisi nombre d'amateurs de polyphonie a cappella face à l'irruption de cet univers sonore iconoclaste en 2006. Pour son (déjà) onzième disque, Björn Schmelzer lance sa troupe à l’assaut d’un « monstre sacré » de la polypho­nie médiévale, comme il appelle la Messe de Machaut. La discographie compte déjà plus d'une trentaine de versions (cf no 590, notre Point sur .. ) mais qui connaît ces chanteurs saura

d'avance que la leur ne ressemble à aucune autre.

 

Certes, quelques options d'interprétation ont déjà été entendues: le programme bâti autour d'une trame liturgique fait alterner les six sections de l'ordinaire de Machaut avec des extraits d'un propre à la Vierge en plain‑chant, en glissant au passage deux des trois derniers motets du maître, contemporains de la Messe, ou un conduit de Pérotin; quant à la transposition à la quarte inférieure, pour voix d'hommes exclusivement en registre de poitrine (dix ténors, barytons et basses, sans falsettistes ou contre‑ténors), elle avait contribué aux réussites du Taverner Consort (1984) et de Diabolus in Musica (2008). En outre, un devancier direct de Schmelzer (qui lui rend hommage) a déjà gravé cette oeuvre avec des chanteurs traditionnels, en 1996. Mais autant cette tentative de Marcel Pérès avec des polyphonistes corses demeurait inaboutie (tempos précipités et mise en place instable), autant Graindelavoix est désormais une machine impeccablement huilée.

 

Dans des tempos lents, leur émission vocale à gorges déployées, leurs timbres très individualisés (avec un ténor aux jolis accents de Claude François), leur accumulation d'ornements (appoggiatures, trilles, tremblements, ports de voix, glissandos, voire sirènes), leurs doublures caverneuses dans l'extrême grave (qui leur permet de produire d'impressionnantes phrases de plain‑chant doublées sur trois octaves), s'agencent en un discours parfaitement maîtrisé, qui préserve la justesse des intonations et déploie des phrasés inouïs. Certains pourront juger que le « monstre sacré » est défiguré, d'autres qu'il est transfiguré. Mais qu'il repousse ou attire, le son spectaculaire, unique et cohérent inventé par Schmelzer donne à découvrir encore de nouvelles facettes d'une oeuvre fascinante. Difficile de demander plus.

 

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