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Outil de traduction ~ (Très approximatif) |
Analyste: Ivan A. Alexandre Le 20 novembre 1740, Georqe Frideric HandeI termine Deidémia. Adieu, opéra italien ! Il n'y reviendra plus. Le genre, la, forme, la langue, l'esprit, tout va changer. Neuf mois plus tôt, il composait L’Allegro, il Penseroso ed il Moderato une oeuvre sans modèle ‑ ode, oratorio, poème, peinture, on ne sait. Le temps n'est plus aux castrats, aux intrigues, aux vers de Salvi ou de Métastase. En même temps que les drames bibliques, Handel découvre les enfants de la Muse britannique : Dryden, Congreve... Milton, l'auteur du Paradis perdu et de la Défense du peuple anglais dont il adapte L’Allegro et Il Penseroso avant le plus populaire Samson. Ni action ni drame ni personnage ici. Joie et Mélancolie dialoguent sans s'écouter, prétexte à mille sentiments, mille paysages. Ici un rossignol, un crépuscule, un orgue; là une alouette, une farandole, une cité grouillante. Sur les mots de Milton et de son arrangeur Charles Jennens, Handel pose un chant d'amour à sa terre d'adoption. Beau à pleurer. Le duo final, Dieu du ciel, ce duo ! Et la cloche vespérale de « Oft on a plat », et le carillon joyeux de « Or let the merry bell ring round », et l'éclat de rire de « Haste thee, nymph », et le théâtre et la chasse et le cloître et la vie.
Partiellement révélé au discophile en 1960 par David Willcocks (Decca), L’Allegro fit un bond vers les étoiles vingt ans plus tard quand le jeune John Eliot Gardiner l'enregistra pour Erato ‑ joyau, aujourd’hui comme hier. Une demi‑douzaine de rivaux se sont hasardés, en vain hormis deux enregistrés la même année 1999 : Robert King (Hyperion) pour le charme et une partition complète ; John Nelson (Virgin) pour quelques airs alternatifs et un plateau de rêve (Lynne Dawson, David DanieIs, Ian Bostridge ... ). Une génération plus tard, Paul McCreesh ajoute à la rigueur musicale la rigueur éditoriale. Pour la première fois nous entendons ce que Handel dirigeait lui‑même le 27 février 1740 à Lincoln's Inn Fields. Une soprano pour les airs du Penseroso, un garçon pour ceux de l'Allegro, un « nouveau » baryton pour le Moderato, un concerto avant chacune des trois parties (Concertos grossos op. 6 nos 1 et 3, Concerto pour orgue op. 7 n° 1). Ce méthodisme nous prive de cinq airs dont plusieurs perles (« Far from all resort », « Straight mine eye », « Sometimes let gorgeous tragedy » !) et modifie le sens d'une oeuvre soudain « instrumentale ». Mais c'est ainsi qu'elle vint au monde, le philologue sera aux anges.
Joli plateau encore une fois, même si la superbe musicienne que reste Gillian Webster marche sur des œufs : la dentelle du Penseroso l'expose tant qu'elle semble se retenir d'exprimer, de chanter. L'autre soprano est un garçon bien « mûr », plus féminin que la jeune fille qui le précédait au festival de Beaune (retransmis sur Arte fin juillet 2013). Allegro, Penseroso : la confusion guette. Jeremy Ovenden bataille contre des notes trop graves pour son ténor acéré, qu'il darde avec bonne humeur et vélocité. Deux barytons solides et un choeur toujours excellent couronnent la fête. Qui serait totale si la prise de son (trois dates, trois lieux) noyait moins les voix, et si le chef inspirait un orchestre scrupuleux mais prosaïque. Oeuvre rare, style parfait, présentation soignée, mais depuis trente‑cinq ans la vision poétique de Gardiner (et Jennifer Smith, et Patrizia Kwella, et Martyn Hill, et Stephen Varcoe ... ) nous tient. Elle ne nous lâche pas.
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