Grâce soit rendue à Charlas Jennens sans qui la partition d'Adriano aurait fini aux oubliettes : en effet, la copie de ce collaborateur de Haendel nous permet d'approfondir le pan opératique de l'oeuvre de Véracini, encore dans l'ombre d'un important corpus pour violon. Fabio Biondi est le maître d'oeuvre idoine de cette résurrection en dirigeant l'Europa Galante de son instrument, et en complétant les récitatifs lacunaires avec le professionnalisme et le  goût  qu’on lui connaît. Créé au londonien Opéra de la Noblesse en 1735, Adriano in Siria reprend l'un de ces livrets inusables dont Métastase avait le secret, canevas sur lequel le compositeur italien à toute licence de broder les arabesques de sa fantaisie. À la direction vigoureuse de Biondi, que ce live en provenance du Konzerthaus de Vienne teinte d'une urgence dramatique palpable, répond un plateau vocal dune éclatante vitalité, de la basse Ugo Guagliardo, seule clé de fa du groupe, à l'Idalma éperdue de Lucia Cirillo. Écrits pour Farinelli et Senesino, les rôles d'Adriano et de Farnaspe sont ici assurés par des altos. Les nostalgiques des castrats n'y perdront pas au change grâce à un remarquable trio emmené par l'extraordinaire Ann Hallenberg, riche, dans le bas de son registre, de cette sonorité ample et grasse unie à une grande facilité dans l’ornementation, comme en témoigne le virtuose « Amor, dover, rispetto ».

Mais ses partenaires ne sont pas en reste : Romina Basso et Sonia Prima s'en sortent avec les honneurs. Seul le gosier étroit de Roberta Invernizzi agace par ses maniérismes et ses larmes de synthèse. Sans égaler Alcina ou Ariodante de Haendel qui lui sont contemporains, Adriano in Siria s'impose ici par l'excellence de l'interprétation.