Léon Berben connaît bien l'oeuvre de Sweelinck pour en avoir déjà enregistré de larges extraits à l'orgue (Raumklang). Il réalise ici une intégrale qui sollicite également le clavecin. Réservant sans surprise à l'instrument à cordes les variations sur des chansons profanes, il lui consacre de surcroît la plupart des toccatas qui gagnent en luminosité. Quel que soit l'instrument, Léon Berben fait preuve d'un toucher ferme et maîtrisé, donnant à l'ornementation une vigueur pleine d'élévation. Ce jeu, à la fois robuste et élégant, éclaire la polyphonie tout en maintenant une tension qui anime les multiples rebondissements des grandes pièces variées.

Cette fermeté a cependant son revers. L’oeuvre pour claviers de Sweelinck entre en résonance constante avec son oeuvre vocale. Léon Berben en restitue la polyphonie mais le lyrisme est parfois lointain. Quand s'élèvent les voix solistes, la déploration s'épuise, loin des lamentations sublimes rendues au clavecin par Sébastien Wonner dans un disque récent (K617). Le Sweelinck de Berben est à l'image de ces vastes églises hollandaises aux voûtes soutenues par de puissants piliers. Mais il atteint rarement la gravité mélancolique dans les pièces intimes. Gustav Leonhardt (Deutsche Harmonia Mundi) et Ton Koopman (Philips) qui firent découvrir ce répertoire font preuve d'une expressivité plus marquée. Parmi les versions plus récentes, Christopher Herrick, à l'orgue, concilie rigueur et sensibilité (Hyperion).

Ces interprétations ne possèdent certes pas tout le bagage musicologique qui sous‑tend l'interprétation de Léon Berben, mais elles donnent à Sweelinck une humanité qui lui fait parfois défaut ici.