Qui suit l’entreprise de Sigiwald Kuijken depuis son commencement ne découvrira rien de neuf : même équipe, même style d’interprétation avec un effectif minimal (un chanteur par partie), même volonté de mettre en avant le mot. On sait par ailleurs que l’artiste n’est pas le violoniste le plus virtuose de la planète baroque et que Christoph Genz n’a pas le timbre de ténor le plus séduisant qui soit (BWV6O/2, BWV184/4). On peut aussi ajouter que la soprano coréenne Yeree Suh, qui a pourtant chanté avec René Jacobs et Pierre Boulez, pourrait laisser sa ligne vocale se déployer davantage.

Pourquoi alors ne pas tout de suite tourner la page ? Parce que cette page est lue et comprise par des artistes qui cherchent davantage à parler qu’à séduire. Par le prodigieux choeur introductif de la Cantate BWV 140, Harnoncourt (Teldec) et Gardiner (Soli Deo Gloria) mobilisaient la terre entière en un irrépressible appel alors que Kuijken s’adresse à l’individu. Alors, certes La Petite Bande, vraiment petite (deux premiers violons, deux seconds, un alto, une basse de violon, quatre chanteurs), ne peut pas distribuer autant de décibels qu’un ensemble d’une trentaine d’instrumentistes et d’une vingtaine de chanteurs (l’introduction de BWV 34 avec trois trompettes et timbales). Elle peut cependant bercer avec amour les « âmes élues » (BWV34/3 avec cordes en sourdine) et restituer avec justesse le tendre dialogue entre l’âme et Jésus (BWV140/3). Et l’étourdissante complexité des labyrinthes polyphoniques se visite plus facilement avec un équipage léger (formidable BWV6O/1).

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