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Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction ~ (Très approximatif) |
Analyste:
Michel Parouty Carl Heinrich Graun (v. 17031759) eut beau avoir une importance considérable sur la musique allemande de son temps, la vogue baroque ne l'a guère favorisé et sa discographie demeure bien mince: entre autres, une intégrale de son opéra Cesare e Cleopatra, dirigée par René Jacobs chez Harmonia Mundi, son oratorio Der Tod Jesu, sans oublier les extraits de Montezuma, enregistrés par Rîchard Bonynge et Joan Sutherland pour Decca. D'abord chanteur dans le choeur de l'Opéra de Dresde, puis ténor à Brunswick et chef d'orchestre, il entre bientôt au service de Frédéric, prince de Prusse, futur Frédéric II. On sait le goût de ce souverain pour la musique. Devenu roi, il envoie Graun en Italie recruter une troupe de chanteurs, destinée à faire de Berlin une capitale musicale brillante. Dès lors, celui‑ci se consacre à la composition, portant à son plus haut sommet le modèle initié par Alessandro Scarlatti. Graun emboîte ainsi le pas de son contemporain Johann Adolf Hasse, maître de l'« opera seria » italien et, lui aussi, favori de la scène lyrique du temps. En 1742, Cesare e Cleopatra inaugure ainsi le nouvel Opéra berlinois.
Plus étonnante, en revanche, la tendance à la surcharge ornementale des airs, qui fait des da capo un feu d'artifice permanent ; les chanteurs sont soumis à rude épreuve et l'auditeur, abasourdi, prête davantage attention à la performance qu'au contenu dramatique de ce qui, malgré tout, devrait être du théâtre. Reste le rôle dévolu à l'orchestre : il est loin d'être négligeable et, sans doute, plus novateur qu'on le pense dans sa promptitude à créer un climat ‑ la sinfonia de Rodelinda en est un exemple, la manière dont l'introduction de « // mar s'inalza e freme » (L'Orfeo) évoque la mer, en est un autre. Frédéric Il, en personne, a participé à l'écriture de certains livrets (Il Mithridate, Silla, Coriolano...), queIques‑uns inspirés de Racine ou Corneille. Il est évident que le texte, ici, sert avant tout à définir une situation, un sentiment, une atmosphère, et qu’il n'a pas à être déclamé. Comment lui prêter attention, toutefois, lorsqu'on est face à une chanteuse dont on ne comprend pas un traître mot ? Sans être exceptionnelle, la voix de la soprano russe Julia Lezhneva est d'une jolie pâte, et ses couleurs sont flatteuses, même si les registres extrêmes ne sont pas convaincants ‑ le grave manque de substance, l'aigu est sec. La virtuosité, elle, est transcendante. Mais l'interprète s'arrête en route, à tel point que l'on passe d'une page à l'autre sans jamais être ému ou touché ‑ il est certain que Graun est desservi par la formule même du récital, qui prive les airs de leur contexte, et donc de leur sens. Retiendra‑t‑on le « Sento una pena» d'Aspasia, véhément et spectaculaire (L'Orfeo), la détermination d'Agamemnon à vaincre Troie dans «Sforzero l'avverso mare» (Ifigenia in Aulide), l’exaltation d'Ubaldo («La gloria t'invita», tiré d'Armida), la désolation d'Ottavia («Parmi.. ah no !» de Silla) ? Leur préfèrera‑t‑on la douleur de Volunnia (« Senza di te, mio bene» de Coriolano), la fluidité de la ligne qui donne tout son prix à « D'ogni aura al mormorar», cha rite par Aristeo dans L'Orfeo ? Deux pages se détachent du lot: « A tanti pianti miei» qui, en deux parties violemment contrastées, souligne la douleur d'Armida, et « Mi paventi il figlio indegno » (Britannico) ‑ seul air non inédit du disque ‑, dans lequel Agrippina exprime sa colère face au fils qui veut l’évincer du trône. Sous la direction de Mikhail Antonenko, l'orchestre Concerto Köln se montre, de bout en bout, un partenaire idéal, dans cet enregistrement de studio, réalisé en septembre 2016. Julia Lezhneva a visé haut et son projet ne mérite pas d'être regardé avec dédain. Dommage qu'elle ait buté sur un obstacle de taille : rendre la virtuosité expressive jusque dans ses excès.
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