Texte paru dans: / Appeared in: Harmonia Mundi |
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Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction ~ (Très approximatif) |
Analyste: Philippe
Venturini DE LALANDE, À BÂTONS ROMPUS
La version des « Leçons de Ténèbres » de Lalande par l’Ensemble Correspondances maintiendra pour longtemps ces pages dans la lumière.
Une injuste habitude a accordé la faveur des interprètes aux Leçons de Ténèbres de Couperin aux dépens de celles de Lalande. Claire Lefilliâtre, Vincent Dumestre et son Poème Harmonique (Alpha, 2002), Isabelle Desrochers (Astrée, 1996) sans oublier Micaëla Etcheverry (Erato, 1977) en avaient pourtant révélé les singulières beautés qu'elles partagent avec le Miserere déjà enregistré par William Christie (HM, 1990) et, à nouveau, Vincent Dumestre. Ces deux oeuvres participent à ce « théâtre de piété » que signale Thomas Leconte dans son texte de présentation: il n'y avait alors qu'un seul pas à faire pour quitter la scène pour l'autel. Aussi la célébration de l'office des Ténèbres, rehaussée d'un puissant cérémonial et des voix des chanteuses professionnelles constituait‑elle un événement autant religieux que musical. C'est avec l'intensité et l'intelligence dramatiques qu'on lui connaît que Sophie Karthäuser appréhende cette musique, invitée il est vrai par Lalande à sculpter des contrastes et à envelopper la contrition de volupté. Le compositeur balise ses partitions d'indications (« animé », « légèrement », etc.) et préfère soumettre les versets à l'expression de la forme, telle la répétition, plutôt qu'à une lecture continue. La houle régulière des croches (« Asperges me »), les doubles croches torsadées de joie (« gaudium »), la gamme ascendante «(excultabit ») dans le Miserere ou le passage subit de la désolation (« Aleph » marqué « Affectueusement ») à la colère (chromatisme sur «indignationis») au tout début de la Leçon du Jeudi procèdent de la même volonté d'exalter la foi et la sensibilité. À chaque instant les artifices du chant soutiennent l'éloquence d'une oratrice convaincue qui n'aurait pu rêver tribune plus idoine que les voix féminines et les instrumentistes de l'Ensemble Correspondances.
Une telle réussite devrait maintenir pour longtemps ces pages de Lalande hors des ténèbres de l'indifférence.
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