Un violon agile et souple comme une virgule, un accompagnement flamboyant qui lui répond du tac au tac : le disque commence sur les chapeaux de roues avec cette Follia (version Corelli mais revue par Geminiani) dont le thème, on le sait, allait connaître une fortune peu commune auprès des musiciens, de Vivaldi à Rachmaninov en passant par Liszt. Dans le cadre de ce disque‑concept intitulé « Bewitched » (« ensorcelé »), la notice nous apprend qu'on peut la lire, à travers ses 24 variations, comme « le journal d'Armida », et une introduction à la cantate de Georg Friedrich Haendel « Armida abbandonata », enchâssée entre les deux parties de la Forêt enchantée de Geminiani. Inspiré de la fameuse Jérusalem délivrée du Tasse qui voit les amours contrariées de la magicienne avec Rinaldo, ce jeu de pantomime donna l'occasion au compositeur d'écrire une musique destinée à accompagner un théâtre muet, entre opéra et ballet. La voix se montre cependant indispensable pour signifier les sentiments complexes éprouvés par la protagoniste, d’ou le recours ici un peu forcé à la cantate du Saxon. On retrouve alors la soprano américaine Robin Johannsen qui nous avait séduit dans Caldara (cf Classica no 166 page 87) : voix cursive au tracé instrumental, hélas trop monochrome ici pour caractériser les émois d'Armide.

L’interprétation de Meret Lüthi, quant à elle, se hisse à un haut niveau en vertu de l'excellence de l'orchestre, mais surprend par la relative modération des effets : le tout aurait peut‑être gagné à l'intrusion d'une percussion pour relancer certains mouvements qui s'abîment dans la pure jouissance plastique aux dépens de la narration.